Archiver pour septembre 2015
Posté le 25 septembre 2015 - par Seydi Diamil
Le drame du pèlerinage ? Ce n’est pas de ma faute. C’est les autres/ Seydi Diamil Niane
717 personnes sont mortes et 863 ont été blessées selon les dernières estimations. Tout musulman rêverait, peut-être, de rejoindre le royaume des cieux à la terre sainte de l’islam en train de répondre à l’appel de Dieu en chantonnant : Labbayka Allâhumma labbayka. Mais surement pas dans les conditions que nous avons connues cette année.
Qu’elles sont les raisons qui ont causé ce drame ? D’aucuns invoquent la prédestination divine, d’autres indexent les autorités saoudiennes et un autre groupe fait des pèlerins eux-mêmes, les responsables de la tragédie. Dans cette dernière catégorie, on retrouvera, malheureusement, l’État wahhabite.
« Si les pèlerins avaient suivi les instructions, on aurait pu éviter ce genre d’incident ». Ce sont les propos du ministre saoudien de la Santé, Khaled al-Faleh. Donc selon ce dernier, la bousculade meurtrière qui chagrine tout le monde musulman et, au-delà, toute l’humanité, est due à l’indiscipline des pèlerins. Charmante réponse monsieur le ministre. Dans ta grandeur, tu oses faire des milliers d’individus responsables de cet incident qui, comme le précise bien Tariq Ramadan sur sa page facebook, n’est que « le résultat direct d’une mauvaise gestion due à de priorités politiques totalement erronées. » Mais bon, c’est toujours plus facile d’indexer les autres quand on veut maquiller nos propres fautes.
Mais il y a encore mieux. En effet, la bousculade malheureuse serait provoquée par «des pèlerins de nationalités africaines» selon l’un des responsables du comité central du Hajj qui s’est livré au micro d’al-Arabiya Tv. Ce n’est plus uniquement la faute des pèlerins, mais de surcroît les fautifs ne sont d’autres que les pèlerins africains. (Tiens, qui avait dit que le paternalisme arabe avait disparu ?) Mais faudra-t-il peut-être expliquer à ce monsieur que l’Afrique n’est pas un pays pour qu’il puisse y avoir de pèlerins « de nationalités africaines ». L’Afrique est un contient cher monsieur.
L’enseignement qu’il faudra retenir de cette catastrophe est qu’il est temps que l’État saoudien respecte les autres musulmans quelques soient leurs couleurs, leurs langues et leurs origines. Il faudra que les autorités saoudiennes comprennent que les terres saintes de l’islam ne leur appartiennent pas, parce que s’ils n’avaient pas fermé deux des voies d’accès à Mina, tous les pèlerins ne se retrouveraient pas soudainement dans un seul endroit qui ne pouvait pas les contenir. Mais le plus désolant dans toute cette histoire est qu’il parait que les deux voies ont été fermées pour qu’une partie de la famille royale puisse procéder plus facilement au rituel de la lapidation de Satan (ramy al-jamra- Sânni Jamra en wolof). Et au lieu d’assumer leur erreur et de tenir un discours digne d’un être humain, les organisateurs et les autorités passent leur temps à répéter ces paroles du slameur Abd al Malik : « Les autres, les autres. Non c’est pas moi, c’est les autres… Les autres, les autres. Non c’est pas moi, c’est les autres!»
Posté le 18 septembre 2015 - par Seydi Diamil
La modernisation des daara au Sénégal : la reproduction d’une politique colonialiste/ Seydi Diamil Niane
Nous vivons dans une période qui ne cesse d’être dominée par un mondialisme qui impose une uniformité au détriment de l’unité sous prétexte d’une universalité qui n’est rien d’autre qu’une nouvelle façon de coloniser les pensées. Nous vivons dans un contexte où le Sénégal doit, de plus en plus, marcher vers l’indépendance totale, du point de vue économique, linguistique et académique (oui académique, comment pourrait-on expliquer le fait que l’école publique n’intègre pas dans ses programmes des cours de religion ? Le p ays ne compte-t-il pas au moyens 95% de musulmans ?). Nous vivons dans une période où la spiritualité perd de plus en plus de place (la tradition hindoue parle de Kali Yuga, l’âge sombre), ce qui autrefois était l’exception devient la norme. Et c’est exactement dans ce contexte où on aliène les hommes par l’éducation, que le Sénégal devrait proposer une alternative qui consiste à résister à l’aliénation intellectuelle, synonyme de l’envahissement de la pensée occidentale dont parlait René Guénon. En outre, si notre pays veut résister à cet envahissement, il y a deux choses à respecter : les daara et la Tradition (qu’elle soit orale ou écrite), après avoir appris à la jeunesse les bases de sa spiritualité.
Et au lieu d’offrir à la jeunesse la possibilité d’avoir une base spirituelle dans l’école publique, on nous parle d’une modernisation des écoles coraniques (daara), l’un des lieux où les jeunes ont la possibilité de s’abreuver des sciences sacrées à la lumières desquelles les actions devraient être pensées comme l’enseignaient nos guides religieux. Ceux qui aspirent à la modernisation des daara, ne savent-ils pas que la modernité a « tué Dieu » et que les daara guident les hommes vers Celui-ci ?
Décortiquons un peu la proposition des modernistes. L’article Ier du « Décret fixant les conditions d’ouverture et de contrôle des daara », signé par le président de la République, Maky Sall, prévoit que « toute personne qui ouvre un daara doit adresser une demande au ministre chargé de l’Éducation. Cette demande doit être assortie du visa du maire de la commune concernée ». Nous avons l’impression d’être en face d’une autre phrase selon laquelle « Nul ne pourra, à l’avenir, tenir une école musulmane sans être muni d’une autorisation en règle du Gouverneur, autorisation qui pourra être retirée si le titulaire en devient indigne. » Il s’agit de l’article Ier de « l’Arrêté portant réorganisation des écoles coraniques du Sénégal » signé par Faidherbe le 22 juin 1857[1]. Parmi les conditions d’ouverture des daara, le « décret fixant les conditions d’ouverture et de contrôle des daara » prévoit dans l’aliéna II de son deuxième article que celui qui souhaite ouvrir une école coranique doit présenter, entre autres papiers, « un certificat de bonne vie et mœurs datant de moins de trois mois », ainsi que « les photocopies légalisées des diplômes ou l’attestation d’aptitude à enseigner le Coran délivrée par l’inspecteur d’académie sur proposition de la commission prévue à l’article 11 de la loi portant statut du daara ». Qu’en aurait pensé notre cher Faidherbe ? On peut lire dans l’aliéna II du deuxième article de l’arrêté qu’il avait signé qu’il fallait, pour enseigner, « faire preuve du savoir nécessaire devant un jury d’examen », et qu’il fallait selon l’aliéna III du même article « obtenir un certificat de bonne vie et mœurs du maire de la ville. » Des similitudes entre les deux textes, il y a en a beaucoup, mais ces exemples devront suffire pour rendre compte de ce que nous voulons faire remarquer. C’est génial comment l’histoire se répète. Toutefois, nous tenons à saluer l’originalité du président Maky Sall qui, dans le premier aliéna de l’article II du « décret fixant les conditions d’ouverture et de contrôle des daara », impose, avec humour, que le candidat présente « une note introductive précisant le but éducatif et social du daara » ! Cher président, le but éducatif du daara c’est l’apprentissage du Saint-Coran J
Nous ne sommes pas en train de dire que tous les daara vont bien et qu’il ne faut rien faire. Loin de là. Aucune personne dotée de cœur et de raison ne peut se réjouir de croiser ces jeunes qui mendient matins et soirs pour survivre. Su ce point, nous ne pouvons qu’approuver l’article XVI du projet de loi qui dénonce la mendicité. Nous ne doutons pas, non plus, de la bonne foi de nos compatriotes qui veulent moderniser les daara « pour répondre à une demande d’édification d’un modèle unique de citoyenneté[2] ; sans distinction entre les enfants issus du système éducatif classique et ceux formés dans les daara et offrir à ces derniers des opportunités d’accès aux savoirs, notamment scientifiques, développés dans les programmes de l’école classique. » Certes, mais c’est l’esprit moderniste lui-même qui nous pose problème. L’esprit moderniste a rompu avec le ciel depuis qu’il a « tué Dieu ». Ainsi, faire appel à ce modernisme au service de la spiritualité nous semble même contradictoire. Ce que nous voulons dire, par là, est que les autorités auraient pu manœuvrer autrement que d’appliquer sur les écoles coraniques des procédés qui tirent leur source de la pensée occidentale. Encore pire est le fait de reproduire, à l’encontre des daara, la même politique que menait Faidherbe au milieu du XIXe siècle.
[1] Pour le texte de l’arrêté en question, cf., Elhadji Ravane Mbaye Le grand savant Elhadji Malick Sy ; pensée et action, Albouraq, 2003, pp.657-658.
[2] Nous voilà tombés dans le piège de l’uniformité
Posté le 16 septembre 2015 - par Seydi Diamil
L’Amour viendra et la mort attendra/ Seydi Diamil Niane
En silence, je contemplerai la Lune
En criant, je la pleurerai en silence.
Si l’amour donne sens à la vie,
Quelle est cette passion qui me cache la vue ?
Que dire de cette vie qui aspire à la mort ?
Qu’en est-il de cette vie qui transcende la mort ?
Dans ce désert de questionnements,
la Lune m’a chuchoté :
« Ô jeune amoureux, patience !
La mort attendra et l’Amour viendra ».
Seydi Diamil NIANE
Posté le 13 septembre 2015 - par Seydi Diamil
De Saint-Louis à Ndiarné : un voyage de dignité et la valorisation de l’éthique de l’action par Elhadji Malick Sy/ Seydi Diamil Niane
L’éthique individuelle est une arme fatale contre la paresse et le fanatisme. Elle impose un travail et une auto-détermination. Or, force est de constater que la paresse est un fléau qui ne cesse d’envahir une bonne partie de la jeunesse de notre pays. On ne cherche plus à vivre dignement, on compte toujours sur l’autre ; et lorsque ce dernier appelle à une détermination, on le taxe d’égoïsme. L’éthique c’est de vivre avec dignité sans compter sur autre que le Très-Haut. Elhadji Malick Sy en fut l’exemple et la manifestation la plus parfaite. Voilà ce qu’Elhadji Mâmoune Ndiaye, petit neveu de Mor-Massamba-Diéry Dieng, raconta à Elhadji Ravane Mbaye :
Elhadji Malick demanda un jour à ma mère Anta Dieng alors qu’ils se trouvaient tous deux à Tivaoune : « Sokhna Anta, sais-tu pourquoi je suis allé à Ndiarné ? » Ma mère ayant répondu par la négative, il poursuivit : « J’étais allé une fois chez un boutiquer de Saint-Louis pour chercher des bougis à crédit. Le boutiquer, après avoir accepté, refusa. Arrivé à la maison, je me mis à raconter l’affaire aux autres. Or, Bâye Mor-Massamba-Diéry, informé, je ne savais comment, remit un franc à un disciple qui alla acheter le paquet de bougies pour moi ».
« Pendant la nuit, je me mis à réfléchir sur ma situation sociale et aboutis à la conclusion suivante : « Bâye Massamba-Diéry m’héberge avec ma femme et se fait l’obligation de payer mes dettes. Je dois le quitter pour essayer de gagner ma vie avec le travail de la terre. Voilà, conclut-il, le pourquoi de mon installation à Ndiarné.[1] »
Quelle élégance ! L’homme est beau quand il est animé par une conscience de dignité. La dignité est belle quand elle est portée par un homme de Dieu. Par ailleurs, il serait malhonnête de nous attaquer, uniquement à la jeunesse. Beaucoup de nos « guides religieux » se servent aujourd’hui de la croyance de la masse pour ne pas travailler et de compter uniquement sur les dons (hadiyya) de leur disciple, ce qui va à l’encontre de l’éthique de la Voie. D’ailleurs, Elhadji Malick Sy « n’acceptait jamais de dons sous quelques noms que ce soit, à fortiori sous l’appellation de hadiyya[2] ». Sur la question des rapports maître-disciple, Elhadji Malick Sy s’adressait aux marabouts en chantant :
Ne leur demande rien : peu ou beaucoup. Ô compagnon !
A moins qu’ils veuillent par assentiment, offrir quelque chose
Ceci est alors propre et licite[3].
Qu’Allah vous bénisse,
Seydi Diamil NIANE
[1] Elhadji Ravane Mbaye , Le grand savant Elhadji Malick Sy ; pensée et action, Albouraq, 2003 , p.132.
[2] Ibid., p.222.
[3] Ibid., p.310.