Archiver pour décembre 2015
Posté le 29 décembre 2015 - par Seydi Diamil
Déchéance de nationalité ? Cher Manuel Valls, allez jusqu’au bout de votre logique / Seydi Diamil Niane
Une chose est sûre : comme l’aurait dit un penseur moderne dont je ne citerai pas le nom, cher Premier ministre, vous êtes certes à gauche de l’extrême droite, mais très maladroit dans votre façon d’être un homme de gauche. Cette question de déchéance de nationalité fait enfin tomber les masques.
« Le débat public et libre témoigne de la force de notre démocratie », peut-on lire sur votre page Facebook. Et c’est en usant de cette force démocratique, qu’est le débat public, que je me permets de vous dire que cette idée de déchéance de nationalité est tout simplement ridicule, discriminatoire et paternaliste. Ridicule parce que si vous pensez une seule seconde qu’une personne ayant l’intention de se faire sauter pourrait être dissuadée par l’idée de perdre sa nationalité française, c’est que vous sous-estimez la folie de ces gens qui exaltent la mort et détestent la vie.
Lutter contre le terrorisme c’est avant tout lutter contre l’hypocrisie. Il n’y a pas si longtemps, le président de la République française se rendait en Arabie Saoudite pour témoigner sa fidélité au nouveau roi. L’Arabie Saoudite où l’esclavagisme est pratiqué, où la femme n’a pas le droit de conduire, où l’éthique du désaccord est tuée ; mais le plus problématique est que l’Arabie Saoudite a le même code pénal que Daech. L’Arabie Saoudite où le wahhabisme est la doctrine officielle, où les savants pensent être les seuls à avoir raison et à être guidés, comment un tel état peut-il être votre allié ? La doctrine wahhabite, et tous les spécialistes le savent, ne diffère en rien de la doctrine prônée par les terroristes. Dans une de ses lettres, Ibn ‘Abd al-Wahhab, le fondateur du Wahhabisme, ne disait-il pas que « celui qui ne répond pas à la prédication par la preuve, nous le faisons plier par l’épée ?»[1] Cet Etat est votre ami. Et cette hypocrisie force l’admiration.
Comme moi, vous connaissez très bien l’origine du mal. Mais le pétrole et l’argent ont la faculté de nous faire taire. C’est la faiblesse de l’homme !
Ce n’est pas par la déchéance de nationalité qu’on pourrait lutter efficacement contre le terrorisme. La lutte contre cette barbarie ne se gagnera pas sans deux choses importantes et qui ont souvent été oubliées par les politiciens : l’éducation et la justice sociale. L’éducation parce que l’extrémisme violent se nourrit d’une idéologie et il faut apporter une contre-idéologie. La justice sociale parce que les terroristes sont récupérateurs des frustrations.
Cher Premier ministre, cette idée de déchéance de nationalité est discriminatoire dans la mesure où, en la concrétisant, vous mettrez en place deux sortes de français : un français vraiment français, et un français pas trop français et à qui on peut dire, foutez le camp et rentrez chez vos ancêtres ! Vous l’avez-vous-même dit : « Même si elle ne concernera heureusement qu’un nombre limité de personnes, pourrait-on lire dans votre tribune signée le 28 décembre 2015, la déchéance symbolisera l’exclusion définitive du pacte national de ceux qui ont commis des crimes terroristes, dans le respect des principes du droit international auxquels nous sommes attachés, qui interdisent de créer des situations d’apatridie. » Allez jusqu’au bout de votre logique et dites-nous tout simplement qu’un français qui n’a qu’une seule nationalité et un binational ne sont plus égaux en droits. Que la Constitution repose en paix !
Une autre question m’intrigue : la déchéance de nationalité concernera-t-elle les binationaux qui s’engagent dans l’armée israélienne qui n’est pas moins terroriste que Daech, et qui fait payer aux palestiniens, avec la politique de nettoyage ethnique que mène l’État hébreu, ce que les occidentaux leur ont fait subir ? Ou bien seuls les terroristes qui se réclament de l’islam sont concernés ? Allez jusqu’au bout de votre logique et annoncez-nous la déchéance de votre propre nationalité, de celle de Habib Meyer, de Bernard-Henry Lévy, d’Alain Finkielkraut et de tous vos amis qui soutiennent le terrorisme de l’État d’Israël. Et surtout celle du président de la République, l’ami des saoudiens qui financent le terrorisme. Oups, j’avais oublié que vous n’étiez pas tous des binationaux ! Tan pis.
En plus d’être ridicule et discriminatoire, ce que vous proposez cache un paternalisme qui ne dit pas son nom. Une personne qui est née française, qui a grandi en France et qui a été éduquée en France, est une personne entièrement française, quel que soit le délit qu’il a commis. Par conséquent, au nom de quoi vous allez expulser, chez d’autres, un(e) français(e), condamné(e) par la justice française ? Et pourquoi un autre pays accepterait qu’un terroriste français soit exporté chez lui ? Et comme vous n’êtes pas sans le savoir, il y a des binationaux d’origine française qui vivent dans d’autres pays. Accepteriez-vous qu’on importe en France un binational déchu de sa deuxième nationalité pour terrorisme, sous prétexte qu’il s’agit d’une personne d’origine française ? Allez jusqu’au bout de votre logique, cher Premier ministre.
Nous, peuple de gauche, avons bien raison lorsque nous disons que vous faites monter le Front National. D’ailleurs, Florian Philippot, beaucoup plus malin que vous, l’a si bien compris qu’il en profite. « Nous allons passer à l’étape n°2, c’est-à-dire faire pression pour que cette déchéance de nationalité (…) soit appliquée concrètement beaucoup plus largement », a-t-il déclaré sur I-Télé.
Nous allons passer à l’étape n°2, dit-il. Et c’est justement cela qui nous pose problème. Aujourd’hui ce sont les binationaux condamnés pour terrorisme (et qui doivent être jugés en France au lieu de les exporter pour qu’ils commettent d’autres actes ailleurs), à qui le tour demain ? Aux binationaux qui portent la kippa ? Aux binationaux qui mettent le voile ? Aux binationaux qui parlent l’arabe ? Aux binationaux qui sont trop noirs et qui ne font pas le nécessaire pour blanchir leur peau ?
Voilà les questions qui m’intriguent. Et je vous demande d’aller au bout de votre logique pour vous rendre compte que vous défendez une idée ridicule dans le fond, discriminatoire dans la forme, et paternaliste dans les faits.
Sur ce, veuillez-croire, cher Premier ministre, en mes sentiments les meilleurs !
[1] Hamadi Redissi, Le pacte de Nadjd : Ou comment l’islam sectaire est devenu l’islam, Paris Seuil, 2007, p.94.
Posté le 10 décembre 2015 - par Seydi Diamil
Lettre ouverte d’un franco-sénégalais à Marine et Marion Maréchal « Les peines »/ Seydi Diamil Niane
Mesdames Lepen, si je prends le temps de vous écrire, croyez-moi, ce n’est pas parce que je vous admire. Loin de là. Je regrette même le temps que je consacre à la rédaction de cette lettre qui vous est adressée par un jeune franco-sénégalais, qui assume son africanité, aime la République et respecte toutes celles et tous ceux qui respectent ses valeurs fondamentales : Liberté, Égalité et Fraternité (de la même façon que j’exalte la devise du Sénégal : Un Peuple, Un But, Une Foi). Cela dit, je ne vous dois aucun respect dans la mesure où les trois valeurs de la République n’ont aucun sens pour vous.
Mesdames, je vous écris, pas seulement en tant que musulman, mais en tant que citoyen lambda. Et si je le fais c’est parce que j’exalte la liberté et je glorifie l’homme quelles que soient sa religion, sa langue ou sa couleur de peau. Par conséquent, je me dois, en tant que citoyen lambda, mais surtout en tant qu’être humain conscient de son humanité, de me battre pour les libertés individuelles et collectives, qui sont, je le rappelle, protégées par la loi.
Vous qui, semble-t-il, tenez beaucoup à la France et vous souciez de son l’histoire et de sa culture, je vous rappelle que ce pays a connu une phase qui fut déterminante pour son orientation politique. L’an 1789 a vu naître un texte fondamental et qui révolutionnera tout un peuple : je parle de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. L’article 1er de la Déclaration stipule que « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. » Libres et égaux en droits, voilà le ce que dit le texte.
Marion, vous qui tenez à cette tradition, au nom de quoi vous dites que les musulmans peuvent être considérés français sous je ne sais quelle condition ? Rassurez-moi que vous n’ignorez pas cette tradition qui veut que « tous les hommes demeurent libres et égaux » ? Rassurez-moi que vous n’ignorez pas l’article II non plus selon lequel « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression. »
Cette liberté, pour laquelle des gens sont morts, englobe toutes les libertés, y compris les libertés religieuses. Je reste encore dans la Déclaration des Droits de l’Hommes et du Citoyen : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi » ; c’est l’article X.
Mesdames « Les peines », nous vivons dans un pays où seule la loi a son mot à dire. Nous vivons dans un pays dont les valeurs sont protégées par la constitution, laquelle constitution affirme dans l’article I que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. » Peu importe vos niveaux de culture générale, rassurez-moi juste que vous connaissez au moins cet article.
Mesdames « Les peines », nous vivons dans un pays où la souveraineté revient au peuple, et seulement au peuple. Le principe fondamental de ce pays est le « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple », tel qu’on peut le lire dans la constitution française que vous connaissez, je l’espère.
Ce peuple, que vous le vouliez ou non, que vous l’acceptiez ou non, comprend des arabes, des noirs, de métisses, des blancs, des musulmans, des juifs, de chrétiens, des athées, des agnostiques, etc., et ils sont tous égaux devant la loi de la République, qui est la seule à régir la vie de la cité.
Vous me direz certainement que cette vision d’une France multiculturelle et multiethnique est une construction purement moderne et qu’elle fait table rase de toute une histoire. Et moi je vous répondrai, en m’associant à Renan qu’il « n’y a pas en France dix familles qui puissent fournir la preuve d’une origine franque, et encore une telle preuve serait-elle essentiellement défectueuse, par suite de mille croisements inconnus qui peuvent déranger tous les systèmes des généalogies. »
Vous me direz, certainement, comme l’autre, que la France est de race blanche. Et moi je vous répondrai, comme Renan, qu’il « n y’a pas de race pure et que faire reposer la politique sur l’analyse ethnographique, c’est la faire porter sur une chimère. Les plus nobles pays, toujours selon Renan, l’Angleterre, la France, l’Italie (un avis que je ne partage évidement pas), sont ceux où le sang est le plus mêlé. » D’ailleurs, vous savez quoi ? Moi qui suis aussi Sénégalais, ça m’amuse toujours de taquiner mes amis Alsaciens, que je rencontre à l’Université de Strasbourg, à qui je dis souvent que lorsque les quatre communes du Sénégal faisaient partie de la France, la région alsacienne était allemande. Et je vous assure, ça ne les vexe pas, même s’ils savent très bien que ces gens, qui étaient français avant eux, étaient des nègres comme moi. Que vous le vouliiez ou non.
Moi je vis pour progresser. J’ai horreur des discours moyenâgeux. Et, comme Renan, moi aussi je pense qu’autant « le principe des nations est juste et légitime, autant celui du droit primordial des races est étroit et plein de danger pour le véritable progrès.»
Vous allez certainement me dire que la France est judéo-chrétienne et que l’islam est une religion importée. Mais ayant consulté l’acte de naissance de Jésus ainsi que la carte d’identité de Moïse, je me suis rendu compte qu’aucun des deux n’est naît à Paris. Par conséquent, toutes les deux religions sont, comme l’islam, de simples importations. Je dis ça et je ne dis rien !
Qu’est-ce que la France alors ? La France est une république laïque. Qu’est-ce la Laïcité ? « Dans le rapport qu’il a consacré en 2004 à la laïcité, le Conseil d’État souligne que celle-ci ‘‘doit à tout le moins se décliner en trois principes : ceux de neutralité de l’État, de liberté religieuse (et pas seulement liberté de conviction comme le veulent faire croire souvent les laïcistes) et de respect du pluralisme. » (Jean-Marie Woehrling, « Laïcité, Neutralité », in, Francis Messner (éd.), Dictionnaire de Droit des Religions, CNRS, 2010, p.436)
Qu’est-ce que la France ? La France est une nation. Et qu’est-ce qu’une nation ? Je fais encore appel à Renan : « L’homme n’est esclave ni de sa race, ni de sa langue, ni de sa religion, ni du cours des fleuves, ni de la direction des chaînes de montagnes. Une grande agrégation d’hommes, saine d’esprit et chaude de cœur, crée une conscience morale qui s’appelle une nation. »
Mesdames « Les peines », je ne vous parlerai pas des valeurs humaines que défendent les institutions européennes, et qui se résument dans la Convention européenne des droits de l’Homme, parce que vous vous moquez royalement de l’Europe. Vous divinisez la fermeture, et moi j’exalte l’ouverture. Vous pensez seulement à vous, et moi je pense à l’humain. Cela dit, j’ai beaucoup médité sur vos discours de haine, mais j’ai du mal à suivre votre logique. Vous ne voulez pas d’immigré en France, après tout pourquoi pas ?. Mais allez au moins jusqu’au bout de votre logique. Tout citoyen français, et ça vous le savez très bien Mesdames, peut aller au Sénégal, au Maroc, et à beaucoup d’autres pays, quand il veut et sans avoir besoin d’un visas ni d’une quelconque autorisation de la part des autorités de son pays de destination. Arrêtez de crier « ils viennent, ils viennent » tout en essayant d’oublier les citoyens français qui partent chez les autres sans même leur demander leur avis parce qu’ils ont le bon passeport. Vous êtes l’incarnation de la défaite de la pensée !
Vous pensez que les immigrés (et le musulman pour faire court) sont les causes de tous les maux de la société. Mais savez-vous que c’est la station Total qui vend du carburant à des milliers de chauffeurs sénégalais. ? Mais peut-être vous ne voyez pas ces autres français qui partent et qui exploitent les autres populations. Vous ne voyez que ceux qui viennent. Charmant l’humanisme !
Marine, vous dites que « Le rôle de la région n’est pas de payer des moustiquaires aux détenus au Sénégal » ? Vous avez certainement raison. Je pense que les Sénégalais pourront se passer de vous. Mais savez-vous que 14 pays africains utilisent encore le Franc CFA que leur avait imposé le pouvoir colonialiste ? (Au passage, Franc CFA voulait dire franc des colonies françaises d’Afrique avant de devenir franc de la communauté française d’Afrique en 1958 et, plus tard, franc de la communauté financière d’Afrique). Si Madame, vous le savez très bien. Vous savez aussi que ces 14 pays sont obligés par la France, à travers le pacte colonial , de mettre 50% de leurs réserves à la banque centrale de France sous le contrôle du ministère des finances français. (pour plus de précisions : http://www.mondialisation.ca/le-saviez-vous-14-pays-africains-contraints-par-la-france-a-payer-limpot-colonial-pour-les-avantages-de-lesclavage-et-de-la-colonisation/5369840; ou encore https://fr.wikipedia.org/wiki/Franc_CFA. ) Cela fait des millions d’euros Madame qui n’appartiennent ni à la France ni à la région que vous allez surement diriger. Par conséquent, je vous pose les questions suivantes : pourquoi n’avez-vous jamais dénoncé celà? Êtes-vous prête à rembourser à ces 14 pays tout leur argent qui ne cesse de s’accumuler, depuis 1960, et qui se trouve sous contrôle du ministère des finances ? La France importe au moins 29.9 de ses besoins en pétrole du continent africain (pour plus de précisions : http://www.connaissancedesenergies.org/d-ou-vient-le-petrole-brut-importe-en-france-120209). Seriez-vous prête à rompre toutes ces relations pour voir la France sombrer toute seule dans un effondrement économique sans précédent ? J’attends vos réponses ! Mais en attendant que la France arrête d’exploiter et d’appauvrir l’Afrique, les Africains ont bien le droit de venir tenter leur chance ici.
Mesdames « Les peines », quand je vous entends parler, et j’entends ce que vous dites sur les autres qui ne vous ressemblent pas, je pense à ces propos d’Aimé Césaire : « Quand je tourne le bouton de ma radio, que j’entends qu’en Amérique des nègres sont lynchés, je dis qu’on nous a menti : Hitler n’est pas mort ; quand je tourne le bouton de ma radio, que j’apprends que des juifs sont insultés, méprisés, pogromisés, je dis qu’on nous a menti : Hitler n’est pas mort ; quand je tourne enfin le bouton de ma radio et que j’apprenne qu’en Afrique le travail forcé est institué, légalisé, je dis que véritablement, on nous a menti : Hitler n’est pas mort. » Si j’ai tenu à citer ces propos de Césaire, c’est parce que, moi aussi, quand je vous écoute, je me dis qu’on nous a franchement menti : Hitler n’est pas mort.
Mesdames « Les peines », si je prends le temps d’écrire cette lettre ouverte, ce n’est pas parce que je vous admire ou que j’ai envie de faire une critique de vos discours, ce qui m’obligerait à me rabaisser à votre niveau ; et, croyez-moi, je n’en ai pas le temps. D’ailleurs, au moment où j’écris ces mots, je suis en train d’écouter la chanson de Diam’s : « Marine, tu sais ce soir ça va mal j’ai trop de choses sur le cœur donc il faudrait que l’on parle, Marine, si je m’adresse à toi ce soir C’est que t’y es pour quelque chose : t’as tout fait pour qu’ça foire (…) Marine, Pourquoi es-tu si pâle ? Viens faire un tour chez nous c’est coloré, c’est jovial. Marine, J’aimerais tellement que tu m’entendes, Je veux bien être un exemple quand il s’agit de vous descendre.
Marine, Tu t’appelles Le Pen, N’oublie jamais que tu es le problème, D’une jeunesse qui saigne.» Et on connait tous le refrain de cette chanson!
Si j’ai décidé de faire parler ma plume, c’est juste parce que je pense à ces braves gens à qui vous avez menti ; à ces braves gens qui, comme moi d’ailleurs, ne se reconnaissent plus dans la politique des « Républicain » et du « Parti Socialiste ». Je lance un appel fraternel à ces gens et leur dis : ne croyez pas aux arnaques du Front National, à leurs discours anticonstitutionnels (comme la préférence nationale). Mes chers frères et sœurs en humanité, et qui croyez que vous serez sauvés par le Front National, sachez que ce parti a déjà mis le doigt sur la gâchette. Et la balle qui va partir, je peux le jurer, ne porte que le message de la mort. La mort de la France et des Français.
J’ai un seul et unique but dans ma vie, et je le partage avec Frantz Fanon : « Que jamais l’instrument ne domine l’homme. Que cesse à jamais l’asservissement de l’homme par l’homme. C’est-à-dire de moi par un autre. Qu’il me soit permis de découvrir et de vouloir l’homme où qu’il se trouve. » Cela devait être le message et le but de tous les êtres humains. Mais je vois que le Front National s’y oppose. Puis-je compter sur vous, chers frères et sœurs en humanité et qui croyez en ce parti anti-humain ?
Posté le 2 décembre 2015 - par Seydi Diamil
Manifeste pour l’Humanisme. Lettre ouverte à tout le monde et à personne / Seydi Diamil Niane
Cette lettre je l’adresse à tout le monde et à personne ; je m’adresse à l’humain où qu’il se trouve. Dans ce monde de chaos, dans ce contexte dominé par une matérialisation abusive, où l’égoïsme ne cesse de tuer l’humain, j’ai besoin de tendre la main à l’homme.
S’il y a une personne qui doit se révolter contre tous, c’est bien moi. J’ai subi des siècles d’esclavagisme et de colonisation. Tout le monde sait qu’à Atlanta « on coupait la main droite du Noir qui apprenait à écrire. »[1] Mais « vais-je demander à l’homme blanc d’aujourd’hui d’être responsable des négriers du XVIIe siècle ? »[2] Certainement pas, parce que je refuse d’être « esclave de l’Esclavage qui déshumanisa mes pères. »[3]
Moi l’amoureux d’Aimé Césaire et qui suis issu du pays de Senghor et de Cheikh Anta Diop, moi qui me noie dans les mots de Fanon et dans le verbe de Cheikh Hamidou Kane, d’Abd Al Malik et de Fatou Diom, j’ai eu droit à des phrases telles que celles d’un certain Calhun qui disait que « s’il pouvait trouver un Noir capable de comprendre la syntaxe grecque, il le considérerait comme un être humain.» [4]Ou encore : « il ne faut pas oublier que l’esclavage n’a rien de plus anormal que la domestication du cheval ou du bœuf. » Cette dernière phrase est signé Lapouge.[5]
J’ai aussi eu droit à des propos charmants d’Ernest Renan (et oui Renan ne fut pas uniquement humaniste) tels que : « Nous aspirons, non pas à l’égalité, mais à la domination. Le pays de race étrangère devra redevenir un pays de serfs, de journalier agricoles ou de travailleurs industriels. Il ne s’agit pas de supprimer les inégalités parmi les hommes, mais de les amplifier et d’en faire loi. »[6]
Ou encore : « La régénération des races inférieures ou abâtardies par les races supérieures est dans l’ordre providentiel de l’humanité. L’homme du peuple est presque toujours, chez nous, un noble déclassé, sa lourde main est bien mieux faite pour manier l’épée que l’outil servile. Plutôt que de travailler, il choisit de se battre, c’est-à-dire qu’il revient à son premier état. Regare imperio populos, voilà notre vocation. Versez cette dévorante activité sur des pays qui, comme la Chine, appellent la conquête étrangère. […] La nature a fait une race d’ouvriers, c’est la race chinoise, d’une dextérité de main merveilleuse sans presque aucun sentiment d’honneur ; gouvernez-là avec justice, en prélevant d’elle, pour le bienfait d’un tel gouvernement, un ample douaire au profit de la race conquérante, elle sera satisfaite ; une race de travailleurs de la terre, c’est le nègre ; soyez pour lui bon et humain, et tout sera dans l’ordre ; une race de maîtres et de soldats, c’est la race européenne. […] Que chacun fasse ce pour quoi il est fait, et tout ira bien. »[7]
Certes ces propos d’Ernest Renan sont indéfendables, cependant, « vais-je essayer par tous les moyens de faire naître la Culpabilité dans les âmes ? »[8] Certainement pas, parce que « je n’ai pas le droit, moi homme de couleur, de souhaiter la cristallisation chez le Blanc d’une culpabilité envers le passé de ma race. »[9] Et voilà tout ce que je demande à mes amis Français : de la même façon que je me bats matins et soirs pour que vous ne vous sentiez pas coupables d’un passé dont vous n’êtes pas responsables, arrêtez de faire l’amalgame entre moi et ceux qui tuent au nom de ma religion. Je pense que nous pourrions nous retrouver dans un autre paragraphe de Renan : « L’homme n’est esclave ni de sa race, ni de sa langue, ni de sa religion, ni du cours des fleuves, ni de la direction des chaînes de montagnes. Une grande agrégation d’hommes, saine d’esprit et chaude de cœur, crée une conscience morale qui s’appelle une nation. »[10]
Cette lettre je l’adresse à tous les enfants de la terre qui, par delà leur religion, se soucient du sort des opprimés. Je lance un appel à tous les enfants de la terre pour une lutte humaniste pour que cesse l’exploitation de l’Afrique, pour le droit des Palestiniens, des chrétiens d’Orient, des musulmans de Centrafrique, des Rohingyas, et de tous les opprimés. Certes je suis musulman de confession, franco-sénégalais de nationalité et noir de peau ; mais si je lance cet appel c’est que, comme le disait le juif égyptien Chehata Haroun, je crois que « Chaque être humain a plusieurs identités. Je suis un être humain. Je suis égyptien lorsque les Égyptiens sont opprimés. Je suis noir lorsque les Noirs sont opprimés. Je suis juif lorsque les juifs sont opprimés et je suis palestinien lorsque les Palestiniens sont opprimés. »[11]
Si je lance cet appel à tous les enfants de la terre, c’est parce que, comme Fanon, moi aussi je ne veux qu’une seule chose : « Que jamais l’instrument ne domine l’homme. Que cesse à jamais l’asservissement de l’homme par l’homme. C’est-à-dire de moi par un autre. Qu’il me soit permis de découvrir et de vouloir l’homme où qu’il se trouve. »[12]
Si j’écris cette lettre ouverte à tout le monde et à personne, c’est parce qu’en tant que croyant, je pense que la religion a son mot à dire quant à la construction de l’homme. Et par conséquent, on doit la respecter. Le voile, la kippa et la croix peuvent être sources d’épanouissement spirituel, moral et humain que l’homme lambda qui n’a aucune idée du ressenti des croyants peut ne pas saisir. Mais je dis avec Abd Al Malick que « Sous le voile de cette Musulmane peut se cacher un être libre transi d’amour et de respect pour la République. Mais que dit le regard sous l’emprise d’une forme de peur médiatique ? Sous sa kippa, peut-être un être totalement épris de justice. Mais que dit le regard sous l’emprise d’une forme de mode médiatique ? Porter le changement comme un fardeau sur son propre chemin de croix. Et se dire que c’est pas possible parce que c’est ce que le regard de l’autre nous renvoie. Alors, on se réveille chaque lendemain de ce qu’est notre existence. En ayant la conviction toujours un peu plus profonde qu’on ne mérite pas de reconnaissance… »[13]
Je lance un appel à tous les enfants de la terre parce que nous avons beaucoup de chose à faire ensemble. Nous avons la charge de ce monde, et pour ce qui est de l’Au-delà, on en parlera dans l’Au-delà : « Ce monde commun, comme le décrit Edwy Plenel, qu’il nous revient de construire tous ensemble, et non pas de détruire en sombrant dans la guerre de tous contre tous. Ce monde si fragile et si incertain dont les divinités secrètes se nomment la beauté et la bonté. C’est en leur nom qu’il faut dire non à l’ombre qui approche… »[14]
Pour conclure cette lettre ouverte à tous et à personne, je m’associe à Amadou Hampâté Bà pour faire l’appel suivant : « Mes frères et sœurs, apprenons à nous aimer mutuellement et à nous entraider constamment, afin que l’Amour nous mette sur le chemin de la Charité qui mène à la Vérité. » [15]
[1] Vincent Monteil, L’islam noir, Paris, Seuil, 1980 (reéd), p.345.
[2] Frantz Fanon, Peau noire masques blancs, Paris, Seuil, 1952, p.186.
[3] Ibid.
[4] Vincent Monteil, op.cit., p.345.
[5] Cité par Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme, Paris, Présence Africaine, 2004, p.33.
[6] Ibid., p.15.
[7] Ibid., pp.15-16.
[8] Frantz Fanon, op.cit., p.186.
[9] Ibid., p.185.
[10] Ernest Renan, Qu’est-ce qu’une nation ?, Éditions Mille et une nuits, 1997, p.34.
[11] Cité par Alain Gresh, Israël, Palestine : Vérités sur un conflit, Paris, Fayard, 2001, p.58.
[12] Frantz Fanon, op.cit., p.187.
[13] Abd Al Malik, Le dernier français, Paris, Cherche midi, 2012, p.100.
[14] Edwy Plenel, Pour les musulmans, Paris, La Découverte, 2014, p.129.
[15] Amadou Hampâté Bà, Jésus vu par un musulman, Stock, 2000 (reéd), p.59.