Posté le 27 février 2016 - par Seydi Diamil
Terreur dans l’Hexagone : quand Gilles Kepel raconte des salades à propos de l’islamophobie / Seydi Diamil Niane
« Le débat national et la mise en œuvre de politiques publiques qu’appelle la terreur dans l’Hexagone ne sauraient être menés à bien sans s’appuyer sur les connaissances que peut encore produire – mais pour combien de temps ? – notre Université» (p.317). Ce sont les derniers mots que l’on peut lire dans « Terreur dans l’Hexagone » de Gilles Kepel. L’universitaire que je suis ne peut qu’être d’accord avec cette remarque. Mais à condition que notre Université produise un travail universitaire dans le sens plénier du terme ; ce qui n’est pas le cas du dernier ouvrage de Kepel.
La base d’un travail universitaire
« Quelle est la base d’un travail universitaire » ? Posez la question à n’importe quel étudiant en première année de licence et il vous répondra que chaque citation doit être référenciée, et qu’un universitaire ne doit rapporter aucune information sans en donner la source. Or, le spécialiste français de « l’islamisme » nous bombarde de citations sans aucune référence. Ce qui m’empêche, moi lecteur de « Terreur dans l’Hexagone », de vérifier la véracité des propos de Kepel. Mais il y a un autre problème plus grave : Gilles Kepel raconte des contre-vérités historiques et scientifiques. Exemple ?
L’islamophobie
Depuis des années, on entend sur les plateaux TV et radios, et lit dans la presse et dans des livres que le terme « islamophobie » a été inventé par des intégristes pour s’opposer à toute critique de l’islam. Parmi les griots de ce mantra absurde, on peut citer Alain Finkielkraut, Mohamed Sifaoui, Jean Glavany, Éric Zemmour, Caroline Fourest, etc.
Dans une tribune signée avec Fiammetta Venner, Caroline Fourest affirmait que « Le mot “islamophobie” a une histoire, qu’il vaut mieux connaître avant de l’utiliser à la légère. Il a été utilisé en 1979, (Retenez bien la date)par les mollahs iraniens qui souhaitaient faire passer les femmes qui refusaient de porter le voile pour de « mauvaises musulmanes » en les accusant d’être « islamophobes ». Il a été réactivité au lendemain de l’affaire Rushdie, par des associations islamistes londoniennes comme Al Muhajiroun ou la Islamic Human Rights, Commission dont les statuts prévoient de “recueillir les informations sur les abus des droits de Dieu”. De fait, la lutte contre l’islamophobie rentre bien dans cette catégorie puisqu’elle englobe toutes les atteintes à la morale intégriste (homosexualité, adultère, blasphème, etc.). Les premières victimes de l’islamophobie sont à leurs yeux les Talibans, tandis que les « islamophobes » les plus souvent cités par ces groupes s’appellent Salman Rushdie ou Taslima Nasreen ! En réalité, loin de désigner un quelconque racisme, le mot islamophobie est clairement pensé pour disqualifier ceux qui résistent aux intégristes : à commencer par les féministes et les musulmans libéraux. » (Voir http://www.prochoix.org/frameset/26/islamophobie26.html. Lien visité le 27 févr. 16)
Pas de chance, chère Caroline ! En 1910, Alain Quellien, qui n’était pas un islamiste iranien, écrivait dans son livre « La politique musulmane dans l’Afrique occidentale française » ce qui suit : « L’islamophobie : il y a toujours eu, et il y a encore, un préjugé contre l’islam répandu chez les peuples de civilisation occidentale et chrétienne. Pour d’aucuns, le musulman est l’ennemi naturel et irréconciliable du chrétien et de l’Européen, l’islamisme est la négation de la civilisation, et la barbarie, la mauvaise foi et la cruauté sont tout ce qu’on peut attendre de mieux des mahométans. » ( Édition Émile Laros, 1910, p.133.)
Venant de Caroline Fourest, dont la qualité de menteuse n’est plus à prouver, ces assertions fallacieuses ne me choquent pas, ou ne me choquent plus… Mais que Gilles Kepel, l’universitaire réputé spécialiste de l’islam, ose propager à son tour cette contre-vérité, m’est insupportable, et j’y vois un blasphème à l’égard de ce que doit être un travail universitaire. Voici le passage où Gilles Kepel trahit l’Université : « … Notons que ce sont ces derniers (Les salafistes et les Frères Musulmans. Du coup, ce ne sont plus les mollahs…) qui inventent le terme (islamophobie) dans les années 1990(retenez bien la date et relisez le passage de Quellien qui remonte à 1910) pour criminaliser la moindre critique du dogme religieux. » (p.42)
En plus, ceux qui parlent d’islamophobie sont accusés d’être dans la victimisation : « Ce terme (islamophobie)a pour rôle de prohiber toute réflexion critique sur l’islam au nom de la victimisation (Eh oui, les musulmans sont des pleurnichards !) proclamée par ceux qui s’en réclament […] En ce sens, l’usage politique de l’islamophobie par les islamistes fonctionne exactement à la manière de l’antisémitisme par les sionistes, tel du moins qu’il est dénoncé par ses détracteurs : il interdirait (retenez bien le conditionnel) toute critique des juifs du fait de la Shoah et justifierait ( retenez ce conditionnel aussi)les bombardements de Gaza par l’armée de Benyamin Netanyahou durant l’été 2014 et le massacre des femmes et enfants palestiniens. » (p.193).
Le lecteur l’aura bien remarqué : quand Gilles Kepel parle de l’antisémitisme, il nuance en utilisant le conditionnel. Mais quand il parle de l’islamophobie, en assénant une contre-vérité scientifique et historique (rappelez-vous que le terme remonte à 1910 et a été forgé par un non-musulman, contrairement aux mensonges de Kepel), il se montre alors catégorique. Il est sûr de ce qu’il dit, même si c’est historiquement faux. De la part d’un académicien, c’est inacceptable.
« Le débat national et la mise en œuvre de politiques publiques qu’appelle la terreur dans l’Hexagone ne sauraient être menés à bien sans s’appuyer sur les connaissances que peut encore produire – mais pour combien de temps ? – notre Université. » (p.317). Ce sont les derniers mots que l’on peut lire dans « Terreur dans l’Hexagone » de Gilles Kepel.
L’universitaire que je suis ne peut qu’être d’accord avec cette remarque. Mais si ce sont des universitaires, menteurs ou intellectuellement malhonnêtes, comme l’auteur de ce livre, qui doivent nous éclairer, je me dis qu’il y a encore du travail à faire… Et comme le disait Abd Al Malik, Qu’Allah bénisse la France !
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