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Posté le 23 juin 2021 - par Seydi Diamil
L’école d’Elhadji Malick Sy en France : une présence dans la durée

L’introduction de l’école d’Elhadji Malick Sy dans le paysage religieux hexagonal est assez peu sourcée. Ce que nous savons est que son fils aîné, Sidi Ahmed SY est tombé à la Grande Guerre pour la France. Nous savons aussi que, à l’inauguration de la Grande Mosquée de Paris, construite en guise d’hommage aux soldats musulmans tombés pour la France, Elhadji Malick Sy était représenté par son disciple Abdoul Hamid Kane.
La continuité de l’implantation de l’école d’Elhadji Malick a été assurée grâce au développement de l’immigration économique. Ce cas de figure peut être illustré avec l’exemple lyonais, centre important de la Tijāniyya européenne.
Dans son article sur La Tijâniyya Lyonaise, Sylvie Cottin revient sur la conversion de la ‘Alawiyya à la Tijāniyya du cheikh Kamel Mansour, figure importante de cette confrérie et qui a eu à passer par le mouvement Tabligh et par le salafisme selon certains témoignages. D’après la chercheuse, sa conversion à la confrérie soufie fondée par Cheikh Ahmed Tijānī s’est faite auprès d’un Sénégalais connu sous le nom de Imam Mamadou Diallo[1] qui, bien qu’affilié à la Tijāniyya par la chaine initiatique oumarienne [Elhadji Oumar Tall], était entouré par des disciples tijānes de l’école d’Elhadji Malick Sy. Cependant, nous avions affaire à une Tijāniyya de foyer où, de temps à autre, des cheikhs itinérants, pour reprendre l’expression de Sophie Bava, passait pour rencontrer les disciples. Nous sommes là dans les années 80. Cela a continué jusqu’aux années 2002/2004 où nous avons commencé à voir des structures plus organisées naître ici et là.
Tout est parti d’un Yahoo Groupe appelé Wā keur Cheikh [la famille de Cheikh Ahmed Tijānī] qui, à la base, constituait une sorte de réseau virtuel de solidarité où strages et petits boulots étaient souvent partagés. Un moment après la création du Yahoo Groupe, une discussion a eu lieu entre un certain M. Fall de Marseille, Imam Ahmed Ndiéguène de la Mosquée Bilal de Marseille, M. Diongue, du mouvement Ahibbā’ Seydi Diamil de Paris, P. Coulibaly de Grenoble et Bakary Sambe alors vivant à Lyon, une discussion qui a abouti à la mise en place d’une organisation physique pouvant regrouper toutes les structures tijānes de l’Hexagonne. C’est la naissance de la Fraternité de la Tijāniyya.
La Fraternité Tijāniyya
Fondée en 2005, la Fraternité Tijāniyya avait pour vocation de mettre en place un système de réseautage entre toutes les structures françaises de la Tijāniyya. Bien que, à ses débuts, englobant des réseaux ouest-africains de la confrérie, l’école d’Elhadji Malick Sy est celle qui comptait le plus de membres et de structures. La structure, avec un bureau national, était constituée de plusieurs réseaux dont la division était pensée de manière régionale répartie en 81 structures et sept secteurs. Ces différents réseaux constituent la Fraternité Tijāniyya qui, aujourd’hui, a pour unique but de faciliter l’intégration des disciples tijānes, notamment les étudiants, qui se déplacent régulièrement de ville en ville. Ainsi, grâce à la fraternité Tijāniyya, chaque disciple peut trouver des « frères » dans n’importe quelle ville française avec lesquels il pourrait accomplir les séances d’invocation obligatoires, notamment celle des vendredis soirs appelées Hadrat al-Jum’a.
Le Forum national de la Tijāniyya
Les initiateurs de la Fraternité ont aussi mis en place une organisation annuelle dont le but était de permettre à tous les adeptes de la Tijāniyya française de se rencontrer annuellement autour d’une thématique. Cette opération avait pour objectif de mieux organiser la confrérie et de prendre activement part aux débats sur l’organisation de l’islam de France comme peut en témoigner Bakary Sambe, l’un des initiateurs du Forum qui, aujourd’hui, n’est plus tenu : « En février 2005, pour la première fois, une Grande Mosquée (celle de Lyon) accepta qu’y soit organisé le 1er Forum National sur la Tijâniyya, accueillant des délégations de Marseille, d’Aix-en-Provence, de Grenoble, de Perpignan, de Paris, etc. avec des travaux publics et ouvert à tous. Ce fut l’occasion de revisiter l’héritage de cette confrérie et de réfléchir sur les moyens de partager ses enseignements, son message de paix et d’amour par un travail de vulgarisation et de publication. Les Tijânis se sont donné rendez-vous à Marseille en 2006 pour la seconde édition du Forum qui sera précédé, à la rentrée, des Assises de la Tijâniyya, en Région parisienne afin de pouvoir échanger avec le plus grand nombre de nos concitoyens et de réfléchir sur l’islam, le dialogue inter-religieux ainsi que les nouveaux enjeux du soufisme. L’islam de France gagnera, certainement, par une plus grande reconnaissance de la diversité des réalités musulmanes. Reste maintenant que de telles initiatives soient soutenues ou au moins reconnues et que les adeptes d’une telle confrérie, au regard de leur nombre et de leurs initiatives en faveur d’un islam de paix et de tolérance, sortent de leur marginalité et trouvent des moyens dignes de vivre pleinement et plus sereinement leur spiritualité »[2].
Nous avons là affaire à une vraie stratégie de quête de reconnaissance et d’implication dans l’organisation de l’Islam de France. Aujourd’hui, le Forum de la Tijāniyya ne se tient plus en raison de divergences internes entres les membres des différents réseaux qui, chacun voulant impliquer sa référence religieuse, souvent au Sénégal, ont fait naître une lutte pour le contrôle du pouvoir religieux, laquelle lutte a mis fin à la dynamique.
Aujourd’hui, la Tijāniyya sénégalaise est gérée par des familles et maîtres confrériques souvent vivant au Sénégal et qui se déplacent régulièrement en France pour animer des causeries et des journées culturelles avec leurs disciples. Cela fait de la Tijāniyya sénégalaise en France une confrérie transnationale où chacun, dans la limite de ses moyens, noue des partenariats stratégiques avec d’autres mouvements pour une plus grande mobilisation. Cette dynamique pourrait être illustrée par le mouvement Aḥibbā’ Seydi Djamil.
Tout est parti en 2002 où, venant d’arriver en France en tant qu’étudiants, un groupe de jeunes sénégalais se réunissait toutes les semaines dans une chambre estudiantine de 12m2 à Noisy le Sec pour des chants tijānes et, le vendredi soir, pour la séance de hadra, dans la salle, qui se trouvait au rez-de-chaussée de la résidence, lorsque la chambre ne pouvait plus contenir le monde qui venait, de plus en plus nombreux.
De passage à Paris, Serigne Manosur Sy Djamil, petit-fils d’Elhadji Malick Sy et diplômé de l’Université de Sorbonne, a appuyé la démarche avec une autorisation officielle pour que le jeune mouvement, qui venait de se constituer, soit rattaché à la famille spirituelle d’Elhadji Malick Sy. Serigne Manosur Sy Djamil donnait ensuite les coordonnées du jeune mouvement aux disciples qui venaient étudier à Paris pour qu’ils puissent entrer en contact. Au début, on les appelait Dahira étudiant. C’est ensuite que Serigne Mansour Sy Djamil leur donné le nom de Aḥibbā’ Seydi Djamil [Ceux qui aiment Seydi Djamil]. Seydi Djamil, fils de Serigne Babacar SY et petit-fils d’Elhadji Malick Sy, est le père de Serigne Mansour Sy Djamil.
Aujourd’hui, le mouvement qui se réunit tous les vendredis à la salle MAS, située au 10 rue des Terres au Curé dans le XIIIe arrondissement de Paris, compte une centaine de membre rien qu’en région parisienne. En plus de cela, Serigne Mansour Sy Djamil a eu l’initiative de les mettre en contact avec les autres structures européennes dont il est le maître spirituel. C’est ainsi qu’est née une organisation européenne des Aḥibbā’ Seydi Djamil qui regroupe des disciples tijanes de Paris, Stuttgart, Londres, Munich et Tréviso où, chaque année, est tenu une cérémonie religieuse, par Serigne Mansour Sy Djamil présidée, qui regroupe entre 2000 et 3000 disciples venus de toute l’Europe mais aussi du Sénégal. C’est au sujet de cet évènement que, dans un texte qu’il nous a fait l’amitié de partager avec nous, il souligne : « Bonheur ineffable dans une Europe où l’on projette une image abjecte, mais fausse, de l’Islam. Voici un événement qui célèbre la paix des cœurs et des esprits dans une commémoration qui a la signification d’un véritable recueillement et d’une fête exquise qui réunit la culture du Sénégal dans ses différentes formes et ce dans le week-end Saint de Pâques en communion avec nos frères chrétiens dans le pays du Vatican. Le choix du week-end de Pâques est la clef du succès du Gamou de Treviso. Il nous évite de le tenir le jour même de la disparition de Serigne Babacar SY et nous rappelle en même temps notre appartenance à la vieille tradition abrahamique, fondatrice du monothéisme ».
Dr Seydi Diamil Niane / IFAN Cheikh Anta Diop
seydidiamil.niane@ucad.edu.sn
[1] Sylvie Cottin, « La Tijâniyya lyonnaise », Archives de sciences sociales des religions [En ligne], 140 | octobre – décembre 2007, mis en ligne le 02 juillet 2011, consulté le 30 septembre 2016. URL : http://assr.revues.org/11523 ; DOI : 10.4000/assr.11523
[2] https://oumma.com/la-tijaniyya-en-france-a-quand-la-reconnaissance/, [lien visité le 5 juillet 2018]
Posté le 10 décembre 2020 - par Seydi Diamil
Seydi Diamil Niane. Religion, liberté et fraternité : point de vue d’un musulman cosmopolite

Posté le 10 décembre 2020 - par Seydi Diamil
Seydi Diamil Niane dans Les Grandes conférences (ITV en wolof)

Posté le 10 décembre 2020 - par Seydi Diamil
Seydi Diamil Niane : « Le Maroc, un modèle dans la lutte contre l’extrémisme »

Posté le 3 juin 2020 - par Seydi Diamil
Elhadji Malick Sy et Serigne Babacar Sy chantent le Ramadan
Si le Ramadan est pilier de l’islam, il ne demeure pas moins un objet littéraire convoqué par les auteurs et poètes musulmans depuis les premiers temps de la troisième religion abrahamique. Les soufis lui ont toujours accordé une grande importance.
Au Sénégal, la littérature soufie est majoritairement poétique. Et comme les autres poètes soufis qui les ont précédés, les poètes mystiques sénégalais ont aussi chanté le mois du jeûne du calendrier musulman.
Dans les pages suivantes, nous proposons au lecteur notre traduction de sept poèmes en l’honneur du Ramadan. Les deux premiers sont tirés du recueil de poèmes d’Elhadji Malick Sy (m.1922). Les cinq autres sont de son fils et hériter Serigne Babacar Sy (m.1957). Chez les deux, le Ramadan prend l’image d’un hôte dont le soufi se réjouit de l’arrivée et pour le départ duquel les larmes du poète coulent en abondance.
Nous avons choisi de ne pas analyser les poèmes et de nous contenter de les traduire. Le but visé étant de donner à chacun la liberté de les interpréter et de les analyser selon sa propre compréhension. Pour que notre traduction puisse être évaluée et critiquée par le lecteur, nous avons reproduit les vers en arabe avant de les traduire.
Nous avons accompli cette traduction dans l’unique objectif de contribuer à la vulgarisation du patrimoine littéraire africain et plus particulièrement soufi et sénégalais. En ce sens, ce travail ne saurait être commercialisé. En revanche, que celui qui utilise l’une de nos traductions ait la grandeur de nous citer. Cela est la moindre des choses.
Dr Seydi Diamil Niane
Rabat, le 29/05/2020
Poèmes de Serigne Babacar Sy et d’Elhadji Malick Sy en l’honneur du Ramadan
Posté le 17 avril 2020 - par Seydi Diamil
#IlsOntMarquéMaVie 3) Bakary Sambe : mon aîné, mon ami, mon frère

D’abord mes excuses. Je me devais, chaque vendredi, de vous parler de personnes qui ont marqué ma vie. Les aléas du temps m’ont empêché de tenir cette promesse. Mais me voilà de retour.
Je vous parlerai aujourd’hui de celui à qui je dois une partie de ce que je suis devenu sur le plan scientifique, professionnel mais surtout humain. C’est un génie des temps modernes. Il s’appelle Bakary Sambe. D’aucuns disent que c’est mon mentor. Je n’aime pas ce terme. Bakary est plus que ça. Il est mon frère.
C’est en 2014 que, lors de la préparation de mon projet de mémoire sur Elhadji Malick Sy que je suis tombé sur les publications d’un enseignant-chercheur à l’Université Gaston Berger dans lesquelles il nous faisait voyager dans l’univers d’Elhadji Malick Sy à travers une analyse inégalée de son falā budda min shakwâ et de sa nûniyya. En signature de l’un des articles, Bakary avait laissé son adresse mail. On était dimanche. Il était 14h. Je lui écris pour avoir ses conseils et suggestions. En moins de 15 minutes, celui que j’appelais à l’époque Monsieur Sambe me répond. Sa disponibilité m’avait séduit. Depuis ce mail, de ce fameux dimanche, plus rien n’a réussi à le déloger de mon cœur.
En juin 2015, j’ai soutenu mon mémoire de master à l’Université de Strasbourg. En juillet, je pars pour un mois de vacances au Sénégal. Il en profite pour m’inviter à Mbour, chez-lui. Je rencontre ses enfants, son épouse et une certaine Yague Sambe qui, aujourd’hui encore, est l’une des personnes que j’admire le plus au monde. Je ne le savais pas. Mais cette rencontre, avec Bakary, a radicalement changé ma vie.
Avant de partir de Strasbourg, mon directeur de mémoire, Eric Geoffroy avait accepté de diriger ma thèse. On s’était mis d’accord pour que je travaille sur la poésie soufie en Afrique. C’est en quittant Mbour, après une belle journée passée avec Bakary, que j’ai changé de sujet. Au cours de la discussion, le visionnaire qu’il était, me balança une phrase qui a aujourd’hui déterminé ma carrière professionnelle : « change de sujet Diamil. Travaille sur l’évolution du religieux en Afrique de l’Ouest. Cela t’assurera une bonne carrière professionnelle. Et tu pourras toujours, après ta thèse, travailler de nouveau sur la poésie ». J’ai suivi ses conseils. Ma thèse a été soutenue à Strasbourg quelques années plus tard. Le sujet fut Le conflit idéologique entre le wahhabisme et la confrérie soufie Tijāniyya au sud du Sahara : le Sénégal en exemple. Cette thèse m’a permis, aujourd’hui encore, d’être invité partout dans le monde pour partager ce que je sais.
Bakary ne s’est pas arrêté là. Tout de suite après ma thèse, il m’a recruté au Timbuktu Institute où j’ai vécu des moments inoubliables. Bakary m’a présenté des femmes et hommes aux cœurs purs. D’abord la représentation diplomatique américaine à Paris. Par ce biais, j’ai pu effectuer un voyage aux Etats-Unis en 2017 avec le programme des Visiteurs Internationaux (IVLP) financé par le Département d’Etat. Il m’a aussi présenté Sophie Bava, l’une des meilleures anthropologues du religieux qui était d’ailleurs dans mon jury de thèse. Sophie Bava, une grande sœur qui m’a permis de faire un post-doctorat à l’IRD à l’Université Aix-Marseille après mon passage à Timbuktu. C’est grâce à lui et à Sophie que j’ai connu, ensuite, Farid El Asri, qui m’a accueilli à la Chaire Cultures, Sociétés et Faits religieux de l’Université Internationale de Rabat. Cela a facilité mon installation au Maroc suite à mon recrutement par Al Mowafaqa en tant que professeur d’arabe et d’islamologie. C’est aussi grâce à Bakary Sambe que j’ai connu Dr Cheikh Guèye, grand géographe qui a cru en moi en me confiant la charge de coordonner le premier recueil de textes sur la paix et la tolérance religieuse au pays de la teranga pour le Cadre Unitaire de l’Islam au Sénégal.
Bakary Sambe, c’est tout ça. Mais pas que ça. Il y des choses qu’on peut dire. D’autres que seul notre cœur peut porter. C’est un battant au cœur doux. Un intellectuel au verbe redoutable. Un frère qui a toujours su me protéger. C’est un formateur hors pair. Il est un résistant parmi les hommes. Un gnostique devant l’Absolu.
Seydi Diamil Niane
Rabat, le 17/04/20
Posté le 8 février 2020 - par Seydi Diamil
Ḥasan Tanjigoora (1870-1954), un résistant soninké à la colonisation française

Abdurahmane Yatera, Al-Ḥāǧ Ḥasan Tanjigoora (1870-1954) : al-muqāwim al-sūninkī ḍidd al-isti‘mār al-faransī fī a‘ālī nahr al-siniġāl (El Hadj Hasan Tanjigoora 1870-1954 : un résistant soninké à la colonisation française dans le Haute-Sénégal), Dakar-Le Caire, Timbuktu Éditions, 2019, 160 p.
Diplômé en études arabes et sciences islamiques de l’université al-Azhar et actuellement étudiant à la Sorbonne, Abdurahmane Yatera dit être motivé par plusieurs raisons dans son choix de travailler sur la vie de Ḥasan Tanjigoora. Il voit que les soninkés ne s’intéressent pas assez à leurs figures historiques (p.17) qui auraient pourtant joué un rôle important lors de la révolution des torrodos (p.18). Il veut aussi rendre hommage à la génération de Hasan Tanjigoora pour leurs résistances militaire et intellectuelle à l’entreprise coloniale (p.18). Cette production veut enfin pousser les universitaires à s’intéresser à l’histoire des soninkés et leurs contributions à la construction du continent noir (pp.19-20). Abdurahmane Yatera veut combler ce vide avec les huit chapitres de son livre qui viennent suivre l’introduction (pp. 21- 32) dans laquelle il appelle à ne pas faire tomber une partie de l’histoire soninkée dans les oubliettes de l’histoire (p.22) d’autant plus que les soninkés ont aussi résisté à la colonisation française portée par le « développement du capitalisme en Europe » (p.24). En plus du travail documentaire (c’est un passage de Paul Marty qui avait attiré l’attention de l’auteur), Abdurahmane Yatera a eu recours à des entretiens avec les descendants d’El Hadj Hasan Tanjigoora dont il a connu une partie pendant ses études en Egypte (p.27). D’autres entretiens ont été menés à Paris (p.27) avant qu’il ne se rende à Konjani (p.28), village natal de Hasan Tanjigoora et, un peu plus tard, à Thiès auprès d’autres descendants du résistant soninké (p.29).
Le premier chapitre (p.33- 65) retrace l’origine de la famille Tanjigoora dont fait partie El Hadj Hasan Tanjigoora. Même si, tardivement, certains membres de la famille ont eu tendance à revendiquer une ascendance arabe (pp.35-38), ce dont doute l’auteur (p.40), Abdurahmane Yatera apporte que ce nom de famille [Tanjigoora] est porté par des soninkés du Mali, du Sénégal, de la Gambie et quelques-uns de la diaspora au Congo et en Europe (p.33, note de pas de pages). Ils portaient le nom Cissé, qu’ils abandonneront avec l’islamisation des soninkés pour choisir Tanjigoora, nom qui renvoie à la pureté et à la piété (p.40). Une partie des Tanjigoora s’est installée à Konŋani, situé dans l’ancien état de Gadiaga sur les parties limitrophes du Sénégal, du Mali et de la Mauritanie.
Le deuxième chapitre (pp.67-78) retrace la jeunesse et l’éducation de El Hadj Hasan Tanjigoora. Né en 1870 au village soninké Laani Moodi (p.74), El Hadj Hasan Tanjigoora a débuté sa formation intellectuelle à Konŋani, avec son père Amar Jaaxo qui était alors érudit et respecté par la population (78), puis au Mali auprès d’un Laxami Daramé (p.84) chez qui il resta jusqu’à l’éclatement de la guerre entre les Français et Muḥammad Lamine Dramé. C’est à son séjour au Mali, plus précisément à Musaala, auprès de Laxami Daramé qu’est consacré le troisième chapitre (pp.79-85)
Le quatrième chapitre (pp.87-98) revient sur l’engagement du jeune Hasan Tanjigoora avec son père au jihad déclenché par Muḥammad Lamine Dramé en 1885 contre la force coloniale française. Le contexte était chaotique. L’empire de Bundu était menacé, El Hadj ‘Umar Tall, chef toucouleur de la Tijāniyya, disparut. Son fils Amadu Cheikhou tentait de réunir les troupes de son père. C’est dans ce même contexte que Muḥammad Lamine Dramé lance son jihad, lequel jihad fut mal vu par Amadou Cheikhou dont la volonté de réunir toutes les forces musulmanes fut absolue. Muḥammad Lamine Dramé devait ainsi faire face aux forces françaises et se méfier des toucouleurs dirigées par le fils d’Umar Tall.
Le père de Hasan Tanjigoora était dans les rangs de Muḥammad Lamine Dramé dont il était devenu conseillé principal (p.87). Hasan Tanjigoora, alors âgé d’à peine quinze ans, s’engagea aux côtés de Muḥammad Lamine Dramé, avec son père mais aussi son frère Fodi Muḥammad (p.90). Après plusieurs victoires, Muḥammad Lamine Dramé fut vaincu par les Français à Sanba Selu, près de Bakel. Une alliance entre des forces locales et les Français ont eu raison de sa vie. Muḥammad Lamine Dramé meurt de ses blessures en 1887 (p.92).
Après sa défaite, Muḥammad Lamine Dramé a demandé à son fils Chuayb et à ‘Amar Jaaxo de se réfugier à Jaafunu. Leur arrivée a causé une intervention de l’armée d’Amadou Cheikhou auquel les habitants de Jaafunu semblaient ne plus payer de taxe (p.94). Hasan Tanjigoora est pris en otage ainsi que son frère par l’armée d’Amadou Cheikhou qui finira de les libérer (p.98)
Le cinquième chapitre (pp.99-110) aborde le pèlerinage à la Mecque de Hasan Tanjigoora. Âgé de vingt-neuf ans en 1899, alors que l’administration française avait pacifié le terroir ayant vaincu la plupart des forces adverses, Hasan Tanjigoora a décidé de se rendre aux lieux saints de l’islam pour accomplir le rite du pèlerinage. Accompagné de sa servante qui lui avait « offerte » par son père, Hasan Tanjigoora a pris la voie terrestre en passant par Bandiagara, Bob Dioulasso puis par les territoires Haousa où la maladie a failli l’emporter (p.102). Guéri, il prit la destination de Khartoum en passant par Bornou, Baguirmi, Ouadaï et Darfour. De Khartoum la mer rouge l’emporta aux Lieux saints de l’islam (p.105). Il profita de son pèlerinage pour approfondir ses connaissances religieuses. Sur la voie de retour, il passa par plusieurs pays dont le Cameroun, la Côte d’Ivoire et le Nigeria. Il resta peu de temps à Porto Novo, en 1910, à enseigner et prêcher l’islam. (p.105). L’aller et le retour lui ont pris douze ans.
Le sixième chapitre (pp.111-119) revient sur son retour du pèlerinage et son assignation à résidence par l’administration française. Revenu des Lieux saints, Hasan Tanjigoora a passé un bout de temps, à prêcher l’islam, dans la commune de Nzicomoé en Côte d’Ivoire. Les Français, qui l’ont rapidement identifié, n’avaient pas encore oublié son engagement auprès de Muhammad Lamine Dramé (p.112). Hasan Tanjigora fut ainsi arrêté en 1911 en Côte d’Ivoire (p.113) et est assigné à résidence à Konŋani, son village d’origine (p.115) où il se mit à enseigner. Quelques années plus tard, il poursuivit l’enseignement dans la région de Bakel, puis en Gambie, après avoir obtenu une autorisation de déplacement. Il finit par retourner à Konŋani en raison de la vieillesse de son aîné qui s’y occupait alors de l’instruction islamique.
Dans le septième chapitre (pp.121-131), Abdurahmane Yatera relate le retour de Hasan Tanjigoora à Konŋani ainsi que ses activités éducatives une fois arrivé chez-lui. Revenu, Hasan Tanjigoora se consacrait à l’éducation mais aussi à la dévotion. Il finit par être le maître de Jaaxali, la structure qui s’occupait de toutes les problématiques cultuelles (p.127)
Le huitième et dernier chapitre (pp.133-138) s’intéresse au décès de Hasan Tanjigoora et à ses relations. Abdurahmane Yatera cite des personnalités importantes qui ont eu à entretenir de relations cordiales avec Hasan Tanjigoora (pp.133-137) dont le décès est survenu en 1954.
Abdurahmane Yatera termine le livre avec quelques annexes dont la traduction en arabe des passages consacrés à Hasan Tanjigoora par Paul Marty (pp. 139-142).
L’auteur est bilingue et a connu le système universitaire arabe (Azhar) et celui de l’Occident (Sorbonne). Cela lui a facilité la tache. C’est ainsi qu’il cite des sources classiques en arabe à l’instar de Tārīḫ al-fattāš ou encore Zuhūr al-basātīn de Mousa Camara, sans pour autant oublier les études et références en langues occidentales (Constant Hames, John O. Hunwick, Paul Marty, etc.).
Influencé par les sources arabes, qui souvent s’arrêtent sur les moindres détails, Abdurahmane Yatera relate les informations les plus infimes ayant marqué la vie de Hasan Tanjigoora. Cela peut être quelquefois utile. Toutefois, ce procédé rend parfois la lecture pénible. C’est comme lorsqu’il cite beaucoup noms difficiles à retenir (pp.67-63) et dont l’existence historique de ceux qui l’auraient portés échappe à toute possibilité de vérification concrète.
Quelques informations, pourtant fondamentales, n’ont pas été données. Nous n’avons aucune idée du rôle joué par Hasan Tanjigoora dans l’armée de Muhammad Lamine Dramé ni de l’année durant laquelle il est parti en Gambie. Ces données auraient plus apporté à l’étude que les noms de personnes avec lesquelles Hasan Tanjigoora entretenait des relations. Certaines digressions, comme lorsqu’il aborde la question de l’islamité des miracles des saints (karāmāt al-awliyā’), ont été fatales à la fluidité du texte.
Hasan Tanjigoora était-il un soufi ? C’est une question qu’on se pose durant toute la lecture. Il faisait des miracles (pp.106-108), explique Abdurahmane Yatera. Ce n’est que dans le septième chapitre que son appartenance à la Tijāniyya est abordée (p.126). Ce n’est pas un détail. Abordé plutôt, ce point aurait eu le mérite de montrer que l’appartenance à la même confrérie n’a pas suffi pour éviter les hostilités avec Amadou Cheikhou, fils d’Elhadji ‘Umar Tall, lui aussi adepte de la confrérie fondée par cheikh Ahmed Tijānī.
Malgré les remarques qui viennent d’être faites, l’ouvrage d’Abdurahmane Yatera est une prestigieuse contribution aux études sur l’histoire de l’Afrique. Il mérite ainsi d’être traduit.
Seydi Diamil Niane
Rabat, le 8 février 2020
Posté le 10 décembre 2019 - par Seydi Diamil
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