Archive pour la catégorie ‘Islam’
Posté le 23 juin 2021 - par Seydi Diamil
L’école d’Elhadji Malick Sy en France : une présence dans la durée
L’introduction de l’école d’Elhadji Malick Sy dans le paysage religieux hexagonal est assez peu sourcée. Ce que nous savons est que son fils aîné, Sidi Ahmed SY est tombé à la Grande Guerre pour la France. Nous savons aussi que, à l’inauguration de la Grande Mosquée de Paris, construite en guise d’hommage aux soldats musulmans tombés pour la France, Elhadji Malick Sy était représenté par son disciple Abdoul Hamid Kane.
La continuité de l’implantation de l’école d’Elhadji Malick a été assurée grâce au développement de l’immigration économique. Ce cas de figure peut être illustré avec l’exemple lyonais, centre important de la Tijāniyya européenne.
Dans son article sur La Tijâniyya Lyonaise, Sylvie Cottin revient sur la conversion de la ‘Alawiyya à la Tijāniyya du cheikh Kamel Mansour, figure importante de cette confrérie et qui a eu à passer par le mouvement Tabligh et par le salafisme selon certains témoignages. D’après la chercheuse, sa conversion à la confrérie soufie fondée par Cheikh Ahmed Tijānī s’est faite auprès d’un Sénégalais connu sous le nom de Imam Mamadou Diallo[1] qui, bien qu’affilié à la Tijāniyya par la chaine initiatique oumarienne [Elhadji Oumar Tall], était entouré par des disciples tijānes de l’école d’Elhadji Malick Sy. Cependant, nous avions affaire à une Tijāniyya de foyer où, de temps à autre, des cheikhs itinérants, pour reprendre l’expression de Sophie Bava, passait pour rencontrer les disciples. Nous sommes là dans les années 80. Cela a continué jusqu’aux années 2002/2004 où nous avons commencé à voir des structures plus organisées naître ici et là.
Tout est parti d’un Yahoo Groupe appelé Wā keur Cheikh [la famille de Cheikh Ahmed Tijānī] qui, à la base, constituait une sorte de réseau virtuel de solidarité où strages et petits boulots étaient souvent partagés. Un moment après la création du Yahoo Groupe, une discussion a eu lieu entre un certain M. Fall de Marseille, Imam Ahmed Ndiéguène de la Mosquée Bilal de Marseille, M. Diongue, du mouvement Ahibbā’ Seydi Diamil de Paris, P. Coulibaly de Grenoble et Bakary Sambe alors vivant à Lyon, une discussion qui a abouti à la mise en place d’une organisation physique pouvant regrouper toutes les structures tijānes de l’Hexagonne. C’est la naissance de la Fraternité de la Tijāniyya.
La Fraternité Tijāniyya
Fondée en 2005, la Fraternité Tijāniyya avait pour vocation de mettre en place un système de réseautage entre toutes les structures françaises de la Tijāniyya. Bien que, à ses débuts, englobant des réseaux ouest-africains de la confrérie, l’école d’Elhadji Malick Sy est celle qui comptait le plus de membres et de structures. La structure, avec un bureau national, était constituée de plusieurs réseaux dont la division était pensée de manière régionale répartie en 81 structures et sept secteurs. Ces différents réseaux constituent la Fraternité Tijāniyya qui, aujourd’hui, a pour unique but de faciliter l’intégration des disciples tijānes, notamment les étudiants, qui se déplacent régulièrement de ville en ville. Ainsi, grâce à la fraternité Tijāniyya, chaque disciple peut trouver des « frères » dans n’importe quelle ville française avec lesquels il pourrait accomplir les séances d’invocation obligatoires, notamment celle des vendredis soirs appelées Hadrat al-Jum’a.
Le Forum national de la Tijāniyya
Les initiateurs de la Fraternité ont aussi mis en place une organisation annuelle dont le but était de permettre à tous les adeptes de la Tijāniyya française de se rencontrer annuellement autour d’une thématique. Cette opération avait pour objectif de mieux organiser la confrérie et de prendre activement part aux débats sur l’organisation de l’islam de France comme peut en témoigner Bakary Sambe, l’un des initiateurs du Forum qui, aujourd’hui, n’est plus tenu : « En février 2005, pour la première fois, une Grande Mosquée (celle de Lyon) accepta qu’y soit organisé le 1er Forum National sur la Tijâniyya, accueillant des délégations de Marseille, d’Aix-en-Provence, de Grenoble, de Perpignan, de Paris, etc. avec des travaux publics et ouvert à tous. Ce fut l’occasion de revisiter l’héritage de cette confrérie et de réfléchir sur les moyens de partager ses enseignements, son message de paix et d’amour par un travail de vulgarisation et de publication. Les Tijânis se sont donné rendez-vous à Marseille en 2006 pour la seconde édition du Forum qui sera précédé, à la rentrée, des Assises de la Tijâniyya, en Région parisienne afin de pouvoir échanger avec le plus grand nombre de nos concitoyens et de réfléchir sur l’islam, le dialogue inter-religieux ainsi que les nouveaux enjeux du soufisme. L’islam de France gagnera, certainement, par une plus grande reconnaissance de la diversité des réalités musulmanes. Reste maintenant que de telles initiatives soient soutenues ou au moins reconnues et que les adeptes d’une telle confrérie, au regard de leur nombre et de leurs initiatives en faveur d’un islam de paix et de tolérance, sortent de leur marginalité et trouvent des moyens dignes de vivre pleinement et plus sereinement leur spiritualité »[2].
Nous avons là affaire à une vraie stratégie de quête de reconnaissance et d’implication dans l’organisation de l’Islam de France. Aujourd’hui, le Forum de la Tijāniyya ne se tient plus en raison de divergences internes entres les membres des différents réseaux qui, chacun voulant impliquer sa référence religieuse, souvent au Sénégal, ont fait naître une lutte pour le contrôle du pouvoir religieux, laquelle lutte a mis fin à la dynamique.
Aujourd’hui, la Tijāniyya sénégalaise est gérée par des familles et maîtres confrériques souvent vivant au Sénégal et qui se déplacent régulièrement en France pour animer des causeries et des journées culturelles avec leurs disciples. Cela fait de la Tijāniyya sénégalaise en France une confrérie transnationale où chacun, dans la limite de ses moyens, noue des partenariats stratégiques avec d’autres mouvements pour une plus grande mobilisation. Cette dynamique pourrait être illustrée par le mouvement Aḥibbā’ Seydi Djamil.
Tout est parti en 2002 où, venant d’arriver en France en tant qu’étudiants, un groupe de jeunes sénégalais se réunissait toutes les semaines dans une chambre estudiantine de 12m2 à Noisy le Sec pour des chants tijānes et, le vendredi soir, pour la séance de hadra, dans la salle, qui se trouvait au rez-de-chaussée de la résidence, lorsque la chambre ne pouvait plus contenir le monde qui venait, de plus en plus nombreux.
De passage à Paris, Serigne Manosur Sy Djamil, petit-fils d’Elhadji Malick Sy et diplômé de l’Université de Sorbonne, a appuyé la démarche avec une autorisation officielle pour que le jeune mouvement, qui venait de se constituer, soit rattaché à la famille spirituelle d’Elhadji Malick Sy. Serigne Manosur Sy Djamil donnait ensuite les coordonnées du jeune mouvement aux disciples qui venaient étudier à Paris pour qu’ils puissent entrer en contact. Au début, on les appelait Dahira étudiant. C’est ensuite que Serigne Mansour Sy Djamil leur donné le nom de Aḥibbā’ Seydi Djamil [Ceux qui aiment Seydi Djamil]. Seydi Djamil, fils de Serigne Babacar SY et petit-fils d’Elhadji Malick Sy, est le père de Serigne Mansour Sy Djamil.
Aujourd’hui, le mouvement qui se réunit tous les vendredis à la salle MAS, située au 10 rue des Terres au Curé dans le XIIIe arrondissement de Paris, compte une centaine de membre rien qu’en région parisienne. En plus de cela, Serigne Mansour Sy Djamil a eu l’initiative de les mettre en contact avec les autres structures européennes dont il est le maître spirituel. C’est ainsi qu’est née une organisation européenne des Aḥibbā’ Seydi Djamil qui regroupe des disciples tijanes de Paris, Stuttgart, Londres, Munich et Tréviso où, chaque année, est tenu une cérémonie religieuse, par Serigne Mansour Sy Djamil présidée, qui regroupe entre 2000 et 3000 disciples venus de toute l’Europe mais aussi du Sénégal. C’est au sujet de cet évènement que, dans un texte qu’il nous a fait l’amitié de partager avec nous, il souligne : « Bonheur ineffable dans une Europe où l’on projette une image abjecte, mais fausse, de l’Islam. Voici un événement qui célèbre la paix des cœurs et des esprits dans une commémoration qui a la signification d’un véritable recueillement et d’une fête exquise qui réunit la culture du Sénégal dans ses différentes formes et ce dans le week-end Saint de Pâques en communion avec nos frères chrétiens dans le pays du Vatican. Le choix du week-end de Pâques est la clef du succès du Gamou de Treviso. Il nous évite de le tenir le jour même de la disparition de Serigne Babacar SY et nous rappelle en même temps notre appartenance à la vieille tradition abrahamique, fondatrice du monothéisme ».
Dr Seydi Diamil Niane / IFAN Cheikh Anta Diop
seydidiamil.niane@ucad.edu.sn
[1] Sylvie Cottin, « La Tijâniyya lyonnaise », Archives de sciences sociales des religions [En ligne], 140 | octobre – décembre 2007, mis en ligne le 02 juillet 2011, consulté le 30 septembre 2016. URL : http://assr.revues.org/11523 ; DOI : 10.4000/assr.11523
[2] https://oumma.com/la-tijaniyya-en-france-a-quand-la-reconnaissance/, [lien visité le 5 juillet 2018]
Posté le 8 avril 2019 - par Seydi Diamil
Ahibbâ’ Seydi Djamil et l’européanisation de la Tijâniyya: le génie de Serigne Mansour Sy Djamil
Ahibbâ’ Seydi Djamil et l’européanisation de la Tijâniyya: le génie de Serigne Mansour Sy Djamil
Extrait d’un article de Seydi Diamil Niane sur la Tijâniyya en France
Tout est parti en 2002 où, venant d’arriver en France en tant qu’étudiants, un groupe de jeunes sénégalais se réunissait toutes les semaines dans une chambre estudiantine de 12m2 à Noisy le Sec pour des chants tijānes et, le vendredi soir, pour la séance de hadra, dans la salle, qui se trouvait au rez-de-chaussée de la résidence, lorsque la chambre ne pouvait plus contenir le monde qui venait, de plus en plus nombreux.
De passage à Paris, Serigne Manosur Sy Djamil, petit-fils d’Elhadji Malick Sy et diplômé de l’Université de Sorbonne, a appuyé la démarche avec une autorisation officielle pour que le jeune mouvement, qui venait de se constituer, soit rattaché à la famille spirituelle d’Elhadji Malick Sy. Serigne Manosur Sy Djamil donnait ensuite les coordonnées du jeune mouvement aux disciples qui venaient étudier à Paris pour qu’ils puissent entrer en contact. Au début, on les appelait Dahira étudiant. C’est ensuite que Serigne Mansour Sy Djamil leur donné le nom de Aḥibbā’ Seydi Djamil [Ceux qui aiment Seydi Djamil]. Seydi Djamil, fils de Serigne Babacar SY et petit-fils d’Elhadji Malick Sy, est le père de Serigne Mansour Sy Djamil.
Aujourd’hui, le mouvement qui se réunit tous les vendredis à la salle MAS, située au 10 rue des Terres au Curé dans le XIIIe arrondissement de Paris, compte une centaine de membres rien qu’en région parisienne. En plus de cela, Serigne Mansour Sy Djamil a eu l’initiative de les mettre en contact avec les autres structures européennes dont il est le maître spirituel. C’est ainsi qu’est née une organisation européenne des Aḥibbā’ Seydi Djamil qui regroupe des disciples tijanes de Paris, Stuttgart, Londres, Munich et Tréviso où, chaque année, est tenu une cérémonie religieuse, par Serigne Mansour Sy Djamil présidée, qui regroupe entre 2000 et 3000 disciples venus de toute l’Europe mais aussi du Sénégal. C’est au sujet de cet évènement que, dans un texte qu’il nous a fait l’amitié de partager avec nous, il souligne :
« Bonheur ineffable dans une Europe où l’on projette une image abjecte, mais fausse, de l’Islam. Voici un événement qui célèbre la paix des cœurs et des esprits dans une commémoration qui a la signification d’un véritable recueillement et d’une fête exquise qui réunit la culture du Sénégal dans ses différentes formes et ce dans le week-end Saint de Pâques en communion avec nos frères chrétiens dans le pays du Vatican. Le choix du week-end de Pâques est la clef du succès du Gamou de Treviso. Il nous évite de le tenir le jour même de la disparition de Serigne Babacar SY et nous rappelle en même temps notre appartenance à la vieille tradition abrahamique, fondatrice du monothéisme ».
Posté le 23 juillet 2018 - par Seydi Diamil
Oui, il faut discuter de l’islam / Dr Seydi Diamil Niane
« Peut-on discuter de l’Islam ? [1]», cette question posée par Pr Penda Mbow dans un article publié par le site d’information sénégalais Seneplus enflamme la toile. Les articles et commentaires pleuvent. La preuve en est que, quelques jours plus tard, Amadou Tidiane Wone a répondu à la question de Madame Mbow par l’affirmatif : « Oui, on peut discuter de l’Islam [2]». Puis vint le tour d’Alymana Bathily qui, dans une délicieuse plume, prend le contrepied de Monsieur Wone. Sa réponse ? « Non, Penda, on ne peut pas discuter de l’Islam au Sénégal. [3]»
De mon point de vue, il faut déplacer la problématique de la question du « pouvoir » à celle du « devoir ». Autrement dit, au lieu de nous demander si nous « pourrions » parler de l’islam, je pense que nous devrions plutôt en discuter. Mais de quel islam parle-t-on ?
Eclaircissement terminologique
Avant de poursuivre notre raisonnement, revenons un peu sur l’orthographe même du mot Islam pour mieux définir le cadre conceptuel du débat. Parle-t-on de l’islam ou de l’Islam ? Comme nous avons eu l’occasion de le montrer dans notre Moi, musulman, je n’ai pas à me justifier, « En islamologie, Islam, avec une majuscule, désigne ce qu’on a appelé à tort la civilisation arabo-musulmane. Avec une minuscule, islam désigne la religion avec son dogme, sa jurisprudence, sa théologie, sa spiritualité, etc.
Islam, avec une majuscule, c’est l’histoire des quatre premiers califes, dont trois ont été tués par des musulmans, c’est l’Empire omeyyade qui a connu une résistance de la part des Kharidjites, des Zubayrites et des chiites ; c’est aussi l’Empire abbasside qui a dû faire face à plus d’un siècle de révoltes de la part d’autres musulmans ; c’est l’histoire fatimide, andalouse, ottomane, la tradition négro-islamique, etc. C’est aussi l’histoire de l’Islam contemporain qui se manifeste différemment en fonction des zones géographiques. L’Islam d’Iran n’est pas celui des États-Unis, qui diffère de celui du Sénégal et de celui de l’Arabie Saoudite. Face à cette histoire aux facettes on ne peut plus variées, il faut réaffirmer, comme le faisait Edward Said il y a quelques années, qu’« il est tout bonnement impossible de faire correspondre l’‘‘Islam’’ auquel on fait référence en Occident à la réalité extrêmement diverse du monde musulman, qui compte huit cents millions d’individus [aujourd’hui plus d’un milliard de musulmans], des territoires multiples et variés…» L’islam, avec une minuscule, ce sont les différentes écoles juridiques avec leurs différentes positions, parfois contradictoires ; ce sont aussi les différents courants théologiques et mystiques qui n’hésitent pas à s’excommunier. Cet islam, c’est le soufisme dans ses différentes branches, le chiisme avec ses divergences, le sunnisme dans ses quatre écoles canoniques, le malikisme, le hanbalisme, le hanafisme et le chafiisme. C’est aussi dans ce même islam qu’il faut placer les différents courants théologiques, allant du mutazilisme au wahhabisme en passant par l’ibâdisme.[4] » Pour faire court, c’est comme si nous parlions de christianisme et de chrétienneté. Rien à avoir d’un point de vue conceptuel.
Oui, nous devons discuter de l’islam…mais à condition
La première condition, de mon point de vue, pour discuter de l’islam, est de sortir de l’autoréférence, démolir les mythes et les légendes pour que la loi revienne à la rigueur scientifique. Une fois que cela est dit, tout discours d vérité doit être banni. La théologie et la démarche apologétique doivent laisser place à l’islamologie, à la linguistique, à l’histoire et à l’anthropologie. Tout cela, dans la précision la plus parfaite.
Ainsi, il faudrait se garder de certaines approximations. Bien évidemment je serais d’accord avec Madame Mbow pour dire qu’il n’y a pas de clergé en islam sunnite [pour le chiisme c’est un peu plus compliqué]. Mais je pense que ce serait d’aller un peu trop vite de dire qu’il n’y a pas d’excommunication en islam. La production juridico-théologique, dans le contexte islamique, nous montre toute autre chose. Il suffirait de se pencher sur toute la littérature hérisologique pour voir que les théologiens, depuis toujours, versent dans l’excommunication. Contentons-nous de citer ces propos de ‘Abd al-Rahmân al-Wakil par nous-mêmes traduits : « Les soufis se nourrissent de toute religion ou secte sauf de l’islam. À moins que nous considérions que le mal le plus ignoble puisse se nourrir de la noble vérité ou que l’impureté de la mécréance puisse tirer son esprit de la croyance pure[5] ». Ajoutons à cela que parler d’apostasie, après le décès du Prophète au sujet d’un groupe qui aurait renoncé à payer une taxe au nouveau calife, relève d’une confusion des époques. L’anthropologie, appliquée sur cette période, montre qu’on avait plutôt affaire à une rupture d’alliance clanique. Un délit hautement répressible par les règles tribales qui prédominaient dans les transactions humaines de l’Arabie du 7em siècle.
Dans une position plus apologétique que critique, le texte de Monsieur Wone nous semble plus problématique. La manière dont il a limité le champ référentiel évacue tout débat critique de facture académique. Ce passage en est la plus parfaite illustration « Oui on peut discuter de l’Islam. Pour ce faire et bien faire, entendons-nous sur les termes du débat. L’Islam, ultime révélation du Seul Créateur des Mondes dispose d’un Livre qui contient toutes les réponses aux questions qui lui sont posées : Le Coran. Il suffit de s’écouter et la démonstration sera faite qu’il ne s’agit pas d’une œuvre humaine mais bien d’un message divin. Un message codé, voire crypté sur certains aspects, mais d’une limpide simplicité sur d’autres. » Nous sommes face à une démarche de foi loin de toute rigueur scientifique. Ce fut un temps, Mohammed Arkoun parlait de « clôtures dogmatiques ». Et puis Monsieur Wone semble confondre l’islam avec le Coran. Quid de toute la production théologico-juridique ? Que faire de Qushayrî, de Ghazâlî, d’Ibn Rouchd, d’Ibn ‘Arabî, de Suyûtî, de toute la production d’Ibn al-Qayyim et d’Ibn Taymiyya ? René Guénon, Martin Lings, Amadou Hampâté Bâ, etc ? De plus, notre aîné Amadou Tidiane Wone veut, à tout prix, prouver que le Coran confirme les textes antérieurs. Ce même Coran ne taxe-t-il pas les juifs et chrétiens d’avoir falsifié leurs textes sacrés ?
Plus percutant est la réponse de Monsieur Bathily pour qui on ne peut pas parler de l’islam au Sénégal étant donné que, toujours d’après lui, « L’Islam officiel qui a cours dans ce pays est un Islam radical et totalitaire qui normalise toutes les relations sociales et contrôle les libertés publiques et individuelles – Cet Islam radical ne tolère en fait aucune réflexion. » Tout en partageant une bonne partie de la réflexion de Monsieur Bathily, je pense que, sur ce coup, il est allé trop vite. L’islam officiel est un mythe qui n’a aucune existence concrète. Quel serait cet islam ? Laquelle des confréries soufies ? Les tendances salafisantes ? La communauté chiites ou les différentes associations des ‘Ibâd Rahmân ? Serait-il représenté par la tendance académique et féministe ? Ou bien par l’Association islamique pour servir le soufisme ? Et le Cadre Unitaire de l’islam au Sénégal dans tout cela ?
Notre objectif n’était pas ici de réfuter les plumes de nos trois aînés. Mais je pense qu’il faut parler, discuter et débattre de l’islam sans aucune autocensure ou peur de représailles. Cependant, entendons-nous bien : je parle de l’islam en tant qu’objet d’étude ou fait social et non pas en sa qualité d’une religion qui serait [la seule] détentrice de la vérité.
Vive le débat démocratique
Vive la disputatio académique
[1] Penda Mbow, Peut-on discuter de l’islam ? http://www.seneplus.com/opinions/peut-discuter-de-lislam [article publié le 27 juin 2018]
[2] Amadou Tidiane Wone, Oui, on peut discuter de l’islam, http://www.seneplus.com/opinions/oui-peut-discuter-de-lislam [article publié le 30 juillet 2018]
[3] Alymana Bathily, Non, Penda, on ne peut pas discuter de l’islam au Sénégal, http://www.seneplus.com/opinions/non-penda-ne-peut-pas-discuter-de-lislam-au-senega [article publié le 20 juillet 2018]
[4] Seydi Diamil Niane, Moi, musulman, je n’ai pas à me justifier- Manifeste pour un islam retrouvé, Paris, Eyrolles, 2017, pp.75-77.
[5] ‘Abd al-Raḥmān al-Wakīl, Hâḏî hiya al-sûfiyya., p.19.
Posté le 14 avril 2017 - par Seydi Diamil
Quand le salafiste Ahmed Lô fait dire à cheikh Ahmed Tijânî ce qu’il n’a jamais dit. Premier épisode.
On le savait depuis longtemps, le mensonge est béni chez les salafistes. Surtout lorsque le but est d’excommunier les soufis. Au Sénégal, depuis des années, un certain Ahmed Lô, le gourou des salafistes du pays, prêche sa haine des confréries de manière générale et la Tijâniyya de façon plus particulière.
La haine rend aveugle. Nous le savons. Mais ce barbu qui prétend servir Dieu en s’appuyant sur le Coran et la sunna, ne trouve pas gênant d’inventer de toute pièce des propos mensongers et de les attribuer au fondateur de la Tijāniyya, que son précieux secret soit sanctifié.
S’appuyant sur une lettre de cheikh Ahmed Tijānī, sur laquelle nous reviendrons, Ahmed Lô souligne que ce que les adeptes de la Tijāniyya appellent la Dā’ira al-faḍliyya fait partie des doctrines qui autoriseraient les praticiens de la voie de s’éloigner des commandements de Dieu. Concernant la Dā’ira al-faḍliyya, l’auteur wahhabite affirme que :
« Elle consiste à rendre licite pour les tijānis tout ce qui est illicite, tout en leur garantissant le salut éternel dans l’au-delà. Dans ce sens, continue Aḥmed Lô, al-Tijānī dit : ‘‘sache que Dieu a un cercle (dā’ira) qu’on appelle al-Dā’ira al-faḍliyya. Il est protégé au-delà des autres cercles en charge des ordres, interdits, et des récompenses, en bien et en mal […] ces cercles sont ceux de la masse des créatures (‘umūm al-ḫalḫ). Quant à la Dā’ira al-faḍliyya, c’est celui que Dieu a particulièrement choisi et dont il pourrait faire bénéficier qui il veut parmi sa créature […] peu importe que la personne qui y pénètre respecte ses engagements ou non, peu importe aussi qu’elle suive la voie droite ou non. En effet, toute personne qui bénéficie de la Dā’ira al-faḍliyya bénéficiera du salut éternel le jour du Jugement sans crainte ou difficulté.[1] »
En commentaire, Aḥmed Lô décrète que, pour le fondateur de la Tijāniyya,
«… Les ordres et interdits divins sont pour la masse des croyants. Quant à l’élite, elle a la Dā’ira al-faḍliyya ; Quiconque pénètre ce cercle, qui ne fait pas partie de la šarī‘a, bénéficiera du salut éternel ;
Le plus étrange dans tout cela, commente encore M. Lô, c’est que le cheikh s’adressait, dans cette lettre, à un gouverneur. De ses propos, il apparaît même que ledit gouverneur était un injuste (jā’ir) et qui commettait beaucoup d’injustice (kaṯīr al-ẓulm). C’est la raison pour laquelle il lui disait dans cette lettre : ‘‘… jusqu’à ce que tous tes péchés soient entièrement effacés et que toutes tes bonnes actions soient acceptées, peu importe ton état. Et méfie-toi de penser cela impossible, parce que Dieu a un cercle qu’on appelle al-Dā’ira al-faḍliyya… [2]»
Pour vous prouver que ce salafiste ne craint pas Dieu et que ce qu’il dit dans son livre est pur mensonge, nous reproduisons ici la lettre de cheikh Ahmed Tijānī à laquelle il fait allusion. Nous nous servons de la traduction de Dr Ravane Mbaye :
« […] De la part de celui qui l’a écrite, le serviteur et le pauvre à l’égard de Dieu, Ahmad Ibn Mahammad at-Tijânî. :
Or donc, nous prions Dieu […] pour qu’Il fasse de vous, en ce monde et dans l’autre, l’un des meilleurs de notre communauté, un d’entre ceux vers qui Il dirige Son regard de bienveillance et d’action, d’amour accompli et de grâce pure et particulière, pour que vos péchés soient absous et vos bienfaits acceptés quel que soit l’état qui est le vôtre. Dieu fasse que vous ne considériez cela comme étant impossible à réaliser, car Dieu –Qu’Il soit glorifié et exalté- possède au centre de ses grâces, un trésor qu’Il garde au-delà des limites des domaines du commandement et de l’interdiction, de la sanction positive ou négative, non soumis à des considérations de rapport, de nécessité ou de détermination, ces derniers étant des choses à l’apanage de l’ensemble de ses créatures. Ce centre des grâces est, par contre, celui de ses privilèges et choix électifs […] qu’Il accorde à qui Il veut parmi ses créatures. Ce centre, Il en a fait un flux qui provient de l’océan de Sa générosité et de Sa noblesse. Flux qui ne s’interrompt pas pour une quelconque raison selon Sa Volonté particulière, sans que soit tenu compte de ce qu’implique celle-ci, ni de ce qu’on a l’habitude de voir, qu’on soit engagé dans le bon chemin ou, déchu par ses péchés, dans le mauvais. On n’y retient pas compte de la personne à qui on donne ni de pour qu’elle raison on lui donne. Quiconque est admis dans ce centre parmi les créatures de Dieu, son bonheur sera parfait dans l’autre monde, aucune peine ou affliction ne s’y mêlant.
Quant à ce à quoi je voudrais vous exhorter, c’est que vous devez être un peu plus attentif à ce que notre Seigneur a dit dans Son livre et qui suffit d’exhortation. Il y a dit, en effet : ‘‘ Ô croyants, craignez Dieu, que chaque âme considère ce qu’elle avance pour demain […]’’. Il a dit aussi : ‘‘Ô croyants, craignez Dieu et ne dites que des paroles décentes […]’’. Et encore : ‘‘ Nous confiâmes à ceux qui reçurent l’Ecriture avant vous, et à vous aussi, de craindre Dieu […]’’
Sache que tu occupes un degré dans lequel on possède des faveurs qui génèrent des bienfaits et des bonnes actions. Quiconque a amassé des richesses doit connaître le cas extrême que constituent la misère et les maux. C’est entre les deux extrêmes que se situe le degré que tu occupes. Sache aussi que Dieu vous observe par le biais de ton cœur. Porte donc sur ces créatures, et sur les indigents et pauvres parmi elles, un regard de compassion. Etends sur elles les ailes de mansuétude. Ne pose sur eux qu’un regard qui ne les voit être qu’une relation à Dieu –Qu’Il soit exalté-. Par ce regard, empresse-toi de satisfaire leurs désirs autant que tu pourras pour l’amour de Dieu. Que ce regard que tu portes sur eux soit celui que tu portes sur Dieu, notre Maître Absolu […] Qu’il soit un regard de sublimation, un regard de compassion, un regard d’exaltation, un regard d’indulgence, qui soit à même de satisfaire leurs besoins, de les protéger comme on protège ses propres enfants […]
Que Dieu nous préserve de ne pas nous soucier de Ses créatures, de refuser de satisfaire leurs besoins, de nous départir du sentiment de compassion et de commisération que nous devons avoir envers elles. Le lot de quiconque tel serait le comportement est, comme on le sait, l’Enfer, eu égard à la Parole de Dieu –Qu’Il soit exalté- relative à celui qui s’était comporté de la même manière : ‘‘Emparez-vous de lui, qu’on l’enchaîne, que l’Enfer en soit la demeure’’ (La vérité, 31-32), jusqu’à : ‘‘car il ne croyait pas en Dieu, le Sublime, et n’exhortait personne à nourrir le pauvre’’ […] Cela te suffit comme exhortation.
Nous prions Dieu de t’accorder réussite, droiture, guidance et rectitude. Il est celui qui en a la charge et le pouvoir ! Que Dieu bénisse et sauve notre maître Muhammad, sa Famille et ses Compagnons ! »
Comme nous pouvons le constater ici, Aḥmed Lô a créé cette doctrine qu’il a attribuée, sans avoir honte, au fondateur de la Tijāniyya. D’ailleurs, il y a quelques années, Cheikh Tijane Gaye, ayant repéré ce mensonge, avait répondu comme suit :
« Cher frère, relis la lettre et tu constateras que :
Il est impossible de mettre dans le même sac « C’est entre les deux extrêmes que se situe le degré que tu occupes. Sache aussi que Dieu vous observe par le biais de ton cœur. Porte donc sur ces créatures, et sur les indigents et pauvres parmi elles, un regard de compassion, » et « pour toi, j’ai rendu licite tout ce qui était interdit tout en te garantissant le salut éternel », comme l’a inventé le perturbateur ;
Il a supprimé de manière volontaire les passages suivants : ‘‘Il accorde à qui Il veut parmi ses créatures’’ ; et « Il en a fait un flux qui provient de l’océan de Sa générosité et de Sa noblesse. Flux qui ne s’interrompt pas pour une quelconque raison selon Sa Volonté particulière’’ ;
Il a coupé la lettre de manière honteuse à son introduction qui se termine par la phrase ‘‘aucune peine ou affliction ne s’y mêlant’’. Pourtant, le fond du texte commence à partir de ‘‘quant à ce à quoi je voudrais vous exhorter, c’est que vous devez être un peu plus attentif à ce que notre Seigneur a dit dans Son livre….’’ ;
La lettre ne contient la moindre allusion à l’idée selon laquelle ce cercle (al-dā’ira) serait exclusivement tijānie au point d’autoriser les adeptes de la Tijāniyya à commettre tous les interdits religieux.
Mais nous savons que Monsieur est malin comme menteur. Il a réuni toutes ses forces pour inventer une Dā’ira faḍliyya qui, tantôt, autoriserait les adeptes de la Tijāniyya de commettre les interdits, tantôt cette permission sera uniquement pour l’élite de la confrérie […]. Il a fait tout cela en se basant uniquement sur sa mauvaise foi et sur ce qu’il copie de son maître, Maïgarī le maudit, celui dont il prend les abominations intellectuelles pour une révélation céleste. [3]»
Pour conclure ce premier numéro d’une série qui battra en brèche tous les mensonges de ces salafistes qui menacent notre pays, je redonne la parole à Cheikh Tijane Gaye : « Je dis : ceci est un pur mensonge. Où est le mot qui laisse entendre, ne serait-ce que de manière allusive, que ce qui est interdit par Dieu aurait été rendu licite pour les adeptes de la Tijāniyya ? [4]»
Seigneur, sois témoin !
Seydi Diamil Niane
[1] Aḥmed Lô, Taqdīs al-’ašḫāṣ fī-l-fikr al-ṣūfī, vol.I, p.422.
[2]Ibid., p.423.
[3] Cheikh Tijāne Gaye, Kitāb al-taqdīs bayn al-talbīs wa-l-tadlīs wa-l-tadnīs, pp.181-183.
[4] Cheikh Tijāne Gaye, Kitāb al-taqdīs bayn al-talbīs wa-l-tadlīs wa-l-tadnīs, op.cit., p.176.
Posté le 3 août 2016 - par Seydi Diamil
Le monde musulman a besoin d’un Voltaire/ Seydi Diamil Niane
C’est dans ces circonstances où des hommes prétendent pénétrer le désir politique de Dieu et massacrent des êtres humains à causes des paragraphes, qu’on n’a besoin d’un Voltaire musulman pour produire un nouveau Traité sur la Tolérance. Ce traité sur la tolérance aura pour seul but la réhabilitation de l’homme, vicaire de Dieu sur terre et réceptacle du souffle divin.
Le monde musulman a besoin d’un Voltaire pour réhabiliter la raison et mettre l’homme au centre même de nos préoccupations ; un Voltaire qui dira, sans aucune peur de se faire excommunier, qu’un dieu qui a besoin de massacrer sa créature pour exister est un dieu faible. Ce Voltaire expliquera aux fanatiques que l’Omnipotent pour Lequel des millions de musulmans se prosternent matins et soirs n’est pas ce dieu pervers auquel ils font allégeance. Il leur dira : « ne cherchez point à gêner les cœurs, et tous les cœurs seront à vous.[1] » Il leur dira, plus la religion musulmane est divine, « moins il appartient à l’homme de la commander ; si Dieu l’a faite, Dieu la soutiendra sans vous.[2] » Ce Voltaire leur murmurera que « Si la persécution contre ceux avec qui nous disputons était une action sainte, il faut avouer que celui qui aura tué le plus d’hérétiques serait le plus grand saint du Paradis. [3]» Il leur rappellera aussi que « la religion est instituée pour nous rendre heureux dans cette vie et dans l’autre.[4] »
Je rêve de ce Voltaire qui expliquera à mes coreligionnaires que nul n’est pire que celui qui pense adorer Dieu en allant à l’encontre de Sa Volonté. « Point de contrainte en matière de religion », dit le Coran. Toute tentative d’imposer la foi par la force est une hérésie. Ce Voltaire leur récitera le verset suivant : « Si Allah avait voulu, Il aurait certes fait de vous une seule communauté. Mais Il laisse s’égarer qui Il veut et guide qui Il veut. Et vous serez certes, interrogés sur ce que vous faisiez. » Il leur rappellera cet autre verset : « Tu (Muhammad) ne guides pas celui que tu aimes : mais c’est Allah qui guide qui Il veut.» Ou encore « Allah ne vous défend pas d’être bienfaisants et équitables envers ceux qui ne vous ont pas combattus pour la religion et ne vous ont pas chassés de vos demeures. Car Allah aime les équitables. »
Ce Voltaire aurait rappelé à mes coreligionnaires qu’il y a certes des versets qui légitiment la violence. Mais dans une seule et unique situation : lorsque nous sommes attaqués. Pour preuve, il leur aurait cité le verset suivant : « Combattez dans le sentier d’Allahceux qui vous combattent, et ne transgressez pas. Certes, Allah n’aime pas les transgresseurs! Et tuez-les, où que vous les rencontriez; et chassez-les d’où ils vous ont chassés: la corruption est plus grave que le meurtre. Mais ne les combattez pas près de la Mosquée sacrée avant qu’ils ne vous y aient combattus. S’ils vous y combattent, tuez-les donc. Telle est la rétribution des mécréants. S’ils cessent, Allah est, certes, Pardonneur et Miséricordieux. » Il leur dira que le verset débute par « Combattez dans le sentier d’Allahceux qui vous combattent » et que toute transgression est prohibée. Il leur dira, conformément au texte coranique, mais aussi au droit international, que la légitime défense est un droit fondamental. Mais il aura l’audace de dire à mes coreligionnaires que dans une démocratie seule l’État a le monopole de la violence.
Ce Voltaire dira à tous les Michel Onfray qui s’autoproclament spécialistes de l’islam, qu’on ne peut pas prendre des versets, les sortir de leurs contextes et sans les lire dans la globalité du message coranique. À peu près, le Coran compte 6300 versets dont environs 200 normatifs. Parmi ces 200 versets, certains parlent des transactions humaines, d’autres du statut personnel et quelques-uns, de la violence. Mais il serait malhonnête, leur dira Voltaire, d’extraire la partie « violente » des versets normatifs de l’ensemble des 6300 versets du Coran. Il leur montrera qu’il faut une approche holistique du Coran pour ne pas tomber dans des dérives extrémistes ou dans la bassesse intellectuelle.
Il dira aussi à mes coreligionnaires que le Coran n’est pas un code juridique; qu’on ne peut pas appliquer une loi prétendue céleste sur les enfants de la terre qui ne se réfèrent pas au même Dieu et ne se dirigent pas vers la même qibla.
Ce Voltaire œuvrera pour une lecture plus humaniste des textes. Pour ce faire, il leur citera le verset suivant : « Lorsque Je l’aurai façonné et que J’y aurai insufflé de Mon esprit, alors prosternez-vous devant lui. » Ce verset coranique parlait d’Adam et s’adressait aux anges. Par conséquent, chaque descendant d’Adam est dépositaire d’une parcelle de l’esprit de Dieu. Il leur dira que rien ne peut justifier le mépris d’un réceptacle contant une parcelle de l’esprit divin.
Je rêve de ce Voltaire parce qu’il serait faut de dire que la violence perpétuée quotidiennement au nom de l’islam n’a rien à voir avec une certaine conception de la religion de Muhammad (PSL). Dans une de ses lettres, Ibn ‘Abd al-Wahhab, le fondateur du wahhabisme, ne disait-il pas que « celui qui ne répond pas à la prédication par la preuve, nous le faisons plier par l’épée ?[5] » Mais prudence, le wahhabisme ne représente pas l’islam. Cependant, il en fait partie.
Je rêve de ce Voltaire qui criera partout où il y a une tentative d’asservissement de l’homme par l’homme au non de Dieu que « le droit de l’intolérance est donc absurde et barbare : c’est le droit des tigres, et il est bien horrible, car les tigres ne déchirent que pour manger, et nous nous sommes exterminés pour des paragraphes.[6] »
Le Voltaire islamique chantera partout les poèmes d’amour d’Ibn ‘Arabī pour répondre à la haine de ceux qui tuent au nom du Dieu que priait ce même Ibn ‘Arabī. Il répondra aux prophètes du malheur par la poésie :
« Mon cœur est devenu capable de prendre toutes les formes
Il est un pâturage pour les gazelles,
un couvent pour les moines,
un temple pour les idoles,
la Kaaba pour le pèlerin.
Il est les tables de la Torah et le Livre du Coran.
Je professe la religion de l’Amour
où que se dirigent ses caravanes.
Car l’Amour est ma religion et ma foi »
Quant à moi, je m’associe à Amadou Hampaté Bâ et fais l’appel suivant : « Mes frères et sœurs, apprenons à nous aimer mutuellement et à nous entraider constamment, afin que l’Amour nous mette sur le chemin de la Charité qui mène à la Vérité.[7]»
[1] Voltaire, Traité sur la Tolérance, Gallimard, 2016, p.32.
[2]Ibid., p.65.
[3]Ibid., p.69.
[4]Ibid., p.108.
[5] Hamadi Redissi, Le pacte de Nadjd : Ou comment l’islam sectaire est devenu l’islam, Paris Seuil, 2007, p.94 ; pour plus de précision sur le lien étroit entre le Wahhabisme et le terrorisme je renvoie à la thèse doctorale de Abdoul Aziz Gaye, Le wahhabisme belliqueux dans le texte. De l’influence d’Ibn Taymiyya à sa fondation dans le premier État sa‘udien, sa consolidation dans les États successifs et son adoption contemporaine par le mouvement d’al-Qâ‘ida, sous la direction de Charles GENEQUAND et Maroun AOUAD.
[6] Voltaire, op.cit., p.41.
[7] Amadou Hampâté Bà, Jésus vu par un musulman, Stock, 2000 (reéd), p.59.
Posté le 5 juin 2016 - par Seydi Diamil
Les voeux de la Lune / Seydi Diamil Niane
Vous annonçant la bonne nouvelle
Soudain, apparaît ma Lune
Avec son regard béni,
Me souriant avec sa baraka spirituelle, …
Elle me dit bon Ramadan.
Or, mon Ramadan n’est autre qu’Elle
Posté le 18 avril 2016 - par Seydi Diamil
Pour quoi je prie / Seydi Diamil Niane
Une nuit étoilée, le miracle du voyage nocturne, Le Messager d’Allah , s’envole dans un galop céleste . Sur le Buraq Il s’envole vers l’infini. Escale à Jérusalem puis un voyage au-delà des cieux, au-delà de la terre. L’ange Gabriel et le Bien-aimé d’Allah côte à côte jusqu’au moment où Jibril ne pouvait plus avancer, et l’ange abandonna. Le Bien-aimé quant à lui, n’aurait jamais pu être stoppé par aucune création, il avança. Il avait rendez-vous avec Allah. Pour recevoir l’ordre de prier, le Prophète (paix et bénédiction sur lui) devait s’envoler jusqu’au sidrat al-muntahâ, tandis que le moment où le serviteur est plus proche de Dieu est lorsqu’il se prosterne. Quel paradoxe !
En général les ordres de Dieu passent par une révélation, tandis que la Prière fit l’objet d’une rencontre, d’un face à face. Ceci peut s’expliquer si nous tenons compte du fait que salât veut direprière, et sila signifie lien en arabe. Ces mots viennent tous de la même racine, s.l.y. Ainsi, quand je prie, je suis en lien direct avec Allah, de même que le Prophète (paix et bénédiction sur lui) devait recevoir l’ordre sans pour autant que Gabriel soit l’intermédiaire.
J’ai besoin de me souvenir d’Allah alors je prie. Le Créateur n’avait-Il pas dit à Moïse « accomplis la prière afin de te souvenir de Moi » ? Alors, prier c’est faire du dhikr. Dans son ouvrage l’instant soufi, Éric Geoffroy s’adresse à l’âme humaine en mettant l’accent sur la prière. Il souligne que « La prière est ‘‘l’ascension céleste du croyant’’, disait le Prophète. Elle est rappel constant à Dieu, car cinq fois par jour je me soustrais du temps évanescent pour m’insérer dans le Temps de Dieu : cinq fois par jour je coupe court aux sollicitations incessantes du monde pour me recentrer. Sans doute ne suis-je pas assez conscient de la Présence, mais j’y tends ; la grâce fait le reste. »
Seul Dieu est là dans tous les moments pour moi. Alors j’ai besoin de Lui parler. Mais comment dialoguer avec Lui ? Frithof Schuon donne la solution. Il écrit que « s’il y a un Dieu et s’il y a des hommes, il y a nécessairement un dialogue ; il est donné par cette confrontation même », par la prière.
Le monde est parfois impur. J’ai besoin de le sacraliser et de le purifier. Alors je prie. Je fais mes ablutions, sacralise mon corps et écoute la musicalité des gouttes d’eau qui tombent, dansent sur les cadences de Lâ ilâha illa Allah, Muhammad Rasûlu Allah. Cinq fois par jour je prie, sacralise le temps et forme une équipe avec le Cosmos. Cinq fois par jour je m’oriente vers la Mecque, sacralise l’espace. Mon cœur est voilé, je formule l’intention, et fais dissiper les ténèbres avec la Lumière de la Majesté. Je hurle et crie en faisant danser mes bras et trembler mon cœur : Allah Akbar.
En tant qu’être humain, je suis le khalifa d’Allah sur terre, et je ne vis pas seul. Je dois représenter aussi la nature qui vit avec moi. Alors je prie. Je me mets debout comme un arbre, tel un homme je m’incline et comme une pierre je me prosterne. Ainsi, quand je prie je médite. « Dans la Création d’Allah, il y a des signes pour ceux qui sont doués d’intelligence ».
J’ai besoin de rompre avec ce monde pour le Monde, alors je prie. J’ai besoin de me sentir musulman. Mais qu’est-que l’islam ? « On pourrait répondre d’un seul mot : la prière », disait Éva de Vitray-Méyérovitch. Mais peut-être faudrait-il savoir prier.
L’adhan a retentit. Je m’en vais. Je prie, comme une pierre je me prosterne. Au-dessus du Burâq, tel un oiseau je m’envole vers « la Sidrat-ul-Muntaha , près d’elle se trouve le jardin de Maawa ».
Posté le 13 septembre 2015 - par Seydi Diamil
De Saint-Louis à Ndiarné : un voyage de dignité et la valorisation de l’éthique de l’action par Elhadji Malick Sy/ Seydi Diamil Niane
L’éthique individuelle est une arme fatale contre la paresse et le fanatisme. Elle impose un travail et une auto-détermination. Or, force est de constater que la paresse est un fléau qui ne cesse d’envahir une bonne partie de la jeunesse de notre pays. On ne cherche plus à vivre dignement, on compte toujours sur l’autre ; et lorsque ce dernier appelle à une détermination, on le taxe d’égoïsme. L’éthique c’est de vivre avec dignité sans compter sur autre que le Très-Haut. Elhadji Malick Sy en fut l’exemple et la manifestation la plus parfaite. Voilà ce qu’Elhadji Mâmoune Ndiaye, petit neveu de Mor-Massamba-Diéry Dieng, raconta à Elhadji Ravane Mbaye :
Elhadji Malick demanda un jour à ma mère Anta Dieng alors qu’ils se trouvaient tous deux à Tivaoune : « Sokhna Anta, sais-tu pourquoi je suis allé à Ndiarné ? » Ma mère ayant répondu par la négative, il poursuivit : « J’étais allé une fois chez un boutiquer de Saint-Louis pour chercher des bougis à crédit. Le boutiquer, après avoir accepté, refusa. Arrivé à la maison, je me mis à raconter l’affaire aux autres. Or, Bâye Mor-Massamba-Diéry, informé, je ne savais comment, remit un franc à un disciple qui alla acheter le paquet de bougies pour moi ».
« Pendant la nuit, je me mis à réfléchir sur ma situation sociale et aboutis à la conclusion suivante : « Bâye Massamba-Diéry m’héberge avec ma femme et se fait l’obligation de payer mes dettes. Je dois le quitter pour essayer de gagner ma vie avec le travail de la terre. Voilà, conclut-il, le pourquoi de mon installation à Ndiarné.[1] »
Quelle élégance ! L’homme est beau quand il est animé par une conscience de dignité. La dignité est belle quand elle est portée par un homme de Dieu. Par ailleurs, il serait malhonnête de nous attaquer, uniquement à la jeunesse. Beaucoup de nos « guides religieux » se servent aujourd’hui de la croyance de la masse pour ne pas travailler et de compter uniquement sur les dons (hadiyya) de leur disciple, ce qui va à l’encontre de l’éthique de la Voie. D’ailleurs, Elhadji Malick Sy « n’acceptait jamais de dons sous quelques noms que ce soit, à fortiori sous l’appellation de hadiyya[2] ». Sur la question des rapports maître-disciple, Elhadji Malick Sy s’adressait aux marabouts en chantant :
Ne leur demande rien : peu ou beaucoup. Ô compagnon !
A moins qu’ils veuillent par assentiment, offrir quelque chose
Ceci est alors propre et licite[3].
Qu’Allah vous bénisse,
Seydi Diamil NIANE
[1] Elhadji Ravane Mbaye , Le grand savant Elhadji Malick Sy ; pensée et action, Albouraq, 2003 , p.132.
[2] Ibid., p.222.
[3] Ibid., p.310.