Archive pour la catégorie ‘Politique’
Posté le 6 décembre 2018 - par Seydi Diamil
Dr Seydi Diamil Niane – Hommage à Frantz Fanon

Le 6 décembre 1961 disparaissait Frantz Fanon, l’une des grandes figures qui ont façonné ma pensée à tel point que je dis souvent que « Je n’arrive plus, dans une démarche de foi, à lire le Coran sans faire appel à Fanon ». N’est-ce pas lui qui disait que l’Homme était un Oui vibrant aux harmonies cosmiques ? La réhabilitation de l’Homme, dont la dignité est en train d’être sacrifiée par des aventuriers maléfiques, fut le principal combat du grand révolutionnaire.
Fanon et la concordance des luttes de libération
Fanon fut aussi l’incarnation de la conscience de la concordance des luttes de libération et des combats antiracistes. Entre la lutte contre la négrophobie, l’islamophobie, l’antisémitisme ou encore celle pour les droits des femmes, par nous autres hommes souvent violés, Fanon ne choisit pas. Il faut s’attaquer à tous les maux par la révolution politique et par la force des mots. C’est ainsi qu’il disait, dans son célèbre Peau noire, masques blancs : « Il peut sembler étonnant que l’attitude de l’antisémite s’apparente à celle du négrophobe. C’est mon professeur de philosophie, d’origine antillaise, qui me le rappelait un jour : « Quand vous entendez dire du mal des Juifs, dressez l’oreille, on parle de vous. » […] Depuis lors, j’ai compris qu’il voulait tout simplement dire : un antisémite est forcément un négrophobe. » C’est en m’inscrivant dans cette position, au combien humaniste de Fanon, que je demeure convaincu qu’on ne peut pas lutter contre une domination que nous subissons tout en perpétuant d’autres systèmes de domination sur d’autres minorités. Entre le sexisme, la négrophobie, l’islamophobie ou encore l’antisémitisme, hors de question de choisir. Il faut lutter contre toutes ces dominations.
De l’histoire à la mémoire, un libérateur nommé Frantz Fanon
L’un des plus grands mérites de Fanon est sa capacité à déplacer la question de l’histoire vers celle de la mémoire. Défendeur des causes noires qu’il était, Frantz a accordé une bonne place, dans ses réflexions, à la manière dont la colonisation, la rencontre entre « le noir » et « le blanc » a pu créer une certaine aliénation et un complexe d’infériorité qu’il a toujours dénoncés. Ne rappelait-il pas d’ailleurs que « en France, on dit il parle comme un livre, alors que, en Martinique, on dit il parle comme un blanc » lorsqu’il s’agit de souligner l’éloquence d’un orateur ? Exemple révélateur.
En revanche, tout en dénonçant le système de domination, né de la conquête coloniale, Fanon a toujours appelé à ce que les ex-colonisés ne soient pas prisonniers de l’histoire coloniale. C’est en ce sens qu’il disait : « vais-je essayer par tous les moyens de faire naître la Culpabilité dans les âmes ? » La réponse de Fanon, à cette question aussi sensible, fut magistrale : « je n’ai pas le droit, moi homme de couleur, de souhaiter la cristallisation chez le Blanc d’une culpabilité envers le passé de ma race. » Il dira la même chose au sujet de la traite négrière : « vais-je demander à l’homme blanc d’aujourd’hui d’être responsable des négriers du XVIIe siècle ? » Sa réponse ? Je refuse d’être « esclave de l’Esclavage qui déshumanisa mes pères ».
Fanon, un humaniste parmi les hommes
C’est sa conscience humaniste qui lui a permis de faire basculer la question de l’histoire vers celle de la mémoire. Aujourd’hui, hommage ne sera plus grand que de continuer sa lutte pour les causes communes, son combat pour un humanisme inclusif comme il le théorisait lui-même en ces termes : « Que jamais l’instrument ne domine l’homme. Que cesse à jamais l’asservissement de l’homme par l’homme. C’est-à-dire de moi par un autre. Qu’il me soit permis de découvrir et de vouloir l’homme où qu’il se trouve. »
Dr Seydi Diamil Niane,
Chargé de recherche à Timbuktu Institute
Posté le 1 septembre 2016 - par Seydi Diamil
Réponse d’un ex-colonisé à François Fillon/ Seydi Diamil Niane

Je suis un ex-colonisé et croyais que l’époque, où Aimé Césaire tenait les propos suivants, était révolue : « J’entends la tempête. On me parle de progrès, de « réalisations », de maladies guéries, de niveaux de vie élevés au-dessus d’eux-mêmes. Moi je parle de sociétés vidées d’elles-mêmes, de cultures piétinées, d’institutions minées, de terres confisquées, de religions assassinées, de magnificences artistiques anéanties, d’extraordinaires possibilités supprimées ».
Mais hélas, il ne fallait pas compter sur François Fillon.
On savait que les musulmans allaient souffrir des campagnes présidentielles. Mais je ne pensais pas que le populisme de la droite, qui passe son temps à draguer les électeurs du FN, pouvait mener en 2016, après la déclaration affligeante de l’inculte Sarkozy, selon lequel « l’Afrique n’est pas assez entrée dans l’Histoire », à un autre négationnisme lorsqu’il s’agit d’aborder la question coloniale.
Le 28 aout 2016, à Sablé-sur-Sarthe, sous les applaudissements de son public, Fillon s’est écrié : « Non, La France n’est pas coupable d’avoir voulu faire partager sa culture aux peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Nord ! ». Son programme ? Une fois élu président, l’ex-Premier ministre de la Sarkozie veut réécrire une autre histoire de la France qui sera enseignée à l’école. Un récit national inventé au détriment de toute vérité historique, pour tout dire.
Je ne parlerai ni d’Asie, ni d’Amérique du Nord. Mon incompétence en la matière ne me le permet pas. Je resterai donc sur la question africaine que je connais mieux.
Si la France n’a pas à avoir honte de son passé colonial (qui est en soi indéfendable tout comme l’esclavagisme, qu’il soit arabe, européen ou entre Africains), c’est parce que Fillon a une explication : « La France », dit-il, « c’est 15 siècles d’histoire depuis le baptême de Clovis », le 25 décembre 498. Faut-il lui rappeler que la création de l’Empire de Ghana remonte, au plus tard, à l’an 300 et que cet empire continuera à sillonner jusqu’en 1240 ? Et pour le bonheur des racistes, rappelons que Charlemagne ne sera couronné par le pape Léon III qu’en 800.
Par conséquent, lorsque les lumières de l’Afrique rayonnaient, j’en connais quelques-uns qui étaient plongés dans les ténèbres de la barbarie. Je ne parlerai même pas de l’Égypte antique, berceau de toutes les civilisations, où « la chaleur », affirmait Hérodote, « y rend les hommes noirs [1] ». Je dis ça et je ne dis rien.
L’Afrique n’est pas uniquement une vielle civilisation des cieux de laquelle pleuvait une culture séduisante. Ma terre natale a aussi connu une richesse extraordinaire. Vers 903, Ibn al-Faqih (un auteur arabe) nous disait que « Dans le pays de Ghana, l’or croît dans les sables, comme des carottes ; on les récolte au lever du soleil.[2] ». Au quatorzième siècle, Ibn Batouta, après avoir visité Gao (l’empire du Mali), nous a laissé la description d’une mosquée construite sur l’ordre de Kankan Moussa. Es-Sahili, le constructeur de la mosquée, ayant reçu une rémunération de 4 000 mithqal (soit 180 kilos d’or). Voilà l’Afrique avant l’entreprise coloniale.
Pour Fillon, l’objet de la colonisation était le partage de la culture française. Nous avons affaire à la vielle théorie de la mission civilisatrice. « Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! Il faut dire ouvertement qu’en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures. Ces devoirs ont souvent été méconnus dans l’histoire des siècles précédents, et certainement quand les soldats et les explorateurs espagnols introduisaient l’esclavage dans l’Amérique centrale, ils n’accomplissaient pas leur devoir d’hommes de race supérieure. Mais de nos jours, je soutiens que les nations européennes s’acquittent avec largeur, grandeur et honnêteté de ce devoir supérieur de la civilisation». Ces propos ont été tenus par Jules Ferry le 28 juillet 1885. C’est uniquement ce sentiment de supériorité qui a légitimé la colonisation.
Ernest Renan, un raciste que tout le monde prend pour humaniste, nous donne les clés pour mieux aborder la problématique de la colonisation : « Autant les conquêtes entre races égales doivent être blâmées, autant la régénération des races inférieures ou abâtardies par les races supérieures est dans l’ordre providentiel de l’humanité. L’homme du peuple est presque toujours chez nous un noble déclassé; sa lourde main est bien mieux faite pour manier l’épée que l’outil servile. Plutôt que de travailler, il choisit de se battre, c’est-à-dire qu’il revient à son premier état. Regere imperio populos, voilà notre vocation. Versez cette dévorante activité sur des pays qui, comme la Chine, appellent la conquête étrangère. Des aventuriers qui troublent la société européenne faites un ver sacrum, un essaim comme ceux des Francs, des Lombards, des Normands ; chacun sera dans son rôle. La nature a fait une race d’ouvriers; c’est la race chinoise, d’une dextérité de main merveilleuse sans presque aucun sentiment d’honneur; gouvernez-la avec justice, en prélevant d’elle pour le bienfait d’un tel gouvernement un ample douaire au profit de la race conquérante, elle sera satisfaite ; une race de travailleurs de la terre, c’est le nègre; soyez pour lui bon et humain, et tout sera dans l’ordre ; une race de maîtres et de soldats, c’est la race européenne. Réduisez cette noble race à travailler dans l’ergastule comme des nègres et des Chinois, elle se révolte. Tout révolté est chez nous, plus ou moins, un soldat qui a manqué sa vocation, un être fait pour la vie héroïque, et que vous appliquez à une besogne contraire à sa race, mauvais ouvrier, trop bon soldat. Or la vie qui révolte nos travailleurs rendrait heureux un Chinois, un fellah, êtres qui ne sont nullement militaires. Que chacun fasse ce pour quoi il est fait, et tout ira bien [1] ».
Le seul motif de la colonisation est ce sentiment de supériorité qui sera animé par une autre logique dont parle Renan, tout de suite après ses propos racistes que nous venons de transcrire : « Les économistes se trompent en considérant le travail comme l’origine de la propriété. L’origine de la propriété, c’est la conquête et la garantie donnée par le conquérant aux fruits du travail autour de lui». Et puisque la conquête est à l’origine de la propriété, quoi de plus anormal que l’Afrique soit sous-développée après l’entreprise coloniale ?
Jean-Paul Sartre dénonçait déjà cette exploitation : « Vous savez très bien que nous sommes des exploiteurs. Vous savez bien que nous avons pris l’or et les métaux puis le pétrole des « continents neufs » et que nous les avons ramenés dans des vielles métropoles. Non sans d’excellents résultats : des palais, des cathédrales, des capitales industrielles ; et puis quand la crise menaçait, les marchés coloniaux étaient là pour l’amortir ou la détourner. L’Europe, gavée de richesses, accorda de jure l’humanité à tous ses habitants : un homme, chez nous, ça veut dire un complice puisque nous avons tous profité de l’exploitation coloniale [1] ».
Dans cette conquête coloniale, qui n’a rien à voir avec une volonté de partager une culture, tous les moyens étaient bons. S’il faut déshumaniser les indigènes, il ne faut pas hésiter. « Du moment que nous avons admis cette grande violence qu’est la conquête, je crois que nous ne devons pas reculer devant des violences de détail qui sont absolument nécessaires pour la consolider. » Ces propos ne sont pas sortis de la bouche d’Hitler mais de celle de Tocqueville [2] !
Les « violences de détail » dont parle Tocqueville ne sont rien d’autre que des massacres comme Sétif, le bombardement de Haiphong en décembre 1946, les massacres en Côte d’Ivoire entre 1949 et 1950 ou l’assassinat des Tirailleurs Sénégalais à Thiaroye, en 1944. C’est justement dans le cadre de ces « violences de détail » que le colonel de Montagne qui fut un des conquérants de l’Algérie a avoué la chose suivante : « Pour chasser les idées qui m’assiègent quelquefois, je fais couper des têtes, non pas des têtes d’artichauts, mais bien des têtes d’hommes[3] ». Un autre détail était dénoncé par Jean-Paul Sartre en 1961 : « Où sont les sauvages, à présent ? Où est la barbarie ? Rien ne manque, pas même le tam-tam : les klaxons rythment « Algérie française » pendant que les Européens font brûler vifs des Musulmans.[4] ». Quelle charmante façon de partager la culture française !
Toute l’humanité retient de Fanon sa fameuse phrase : « quand on parle mal des juifs, dressez l’oreille parce qu’on parle de vous […] un antisémite est forcément négrophobe ». Tout le monde atteste de l’humanisme de cet homme et de son ouverture. Et si l’unique objectif de la colonisation était le partage de culture, il n’aurait jamais crié « Africains, Africaines, aux armes ! Mort au colonialisme français ! [5]».
En ce qui me concerne, ma plume est mon arme. Mon encre coulera autant que nécessaire pour dénoncer ce genre de crétins de négationnistes. Ce n’est que le début, puisque la campagne ne fait que commencer. Et je dirai, pour paraphraser Fanon : « Hommes dignes, réveillez-vous ! Mort aux négationnistes ! ».
[1] Voir la préface de Frantz Fanon, Les damnés de la terre, Paris, La Découverte & Poche, 2002 (reéd.) p.32
[2] Yves Benot, Massacres coloniaux, La découverte, p. XI
[3] Cité par Aimé Césaire, op.cit., p.19.
[4] Ibid.,p.34.
[5] Frantz Fanon, Pour la révolution africaine, La découverte, p.149.
[1] Ernest Renan, La réforme intellectuelle et morale, Paris, Michel Lévy Frères, 1875, p.93-94.
[1] Cité par Cheikh Anta Diop Nations nègres et cultures, Paris, Présence Africaine, 1979, p.35.
[2] Vincent Monteil, L’islam noir, Paris, Seuil, 1980, p.81.
Posté le 8 août 2016 - par Seydi Diamil
Seigneur, pardonne à la France blanche / Seydi Diamil Niane

Parfois, je me demande ce que j’ai fait pour mériter tout cet acharnement. Qu’ai-je fait pour que cette France, sous prétexte d’une mission soi-disant civilisatrice, ait déshumanisé mes pères et humilié mes frères pendant des siècles ? Pourtant, je ne suis pas tombé dans une paranoïa francophobe malgré ma longue histoire avec elle. Parce que oui : bien qu’elle soit indéfendable, bien qu’il m’arrive beaucoup de fois de lui en vouloir et d’avoir la tentation de la maudire, cette France fait partie de mon histoire. Même si, je me dois de l’avouer, mon passé avec elle n’est pas encore entièrement digéré !
Lorsque je dis que je n’ai rien à voir avec les assassins de ses enfants, elle me traite de complicité. Et quand je m’exprime, elle me taxe d’hypocrisie. Lorsque je tente d’expliquer, elle me réplique « qu’expliquer, c’est déjà vouloir excuser. »
Cette France m’a arraché mes ancêtres et n’est pourtant pas contente. Puis je lui ai laissé occuper mes terres. Actuellement, une bonne partie de mon patrimoine se trouve dans ses musés, aussi m’a-t-elle volé mon passé. Et elle n’est toujours pas satisfaite. Je milite quotidiennement pour sa cohésion nationale et pour ne pas l’abandonner aux assassins de l’aube. Mais la France est toujours insatisfaite. Je lui dis que ma religion n’est en rien une menace pour elle. Pourtant, elle me demande de la réformer comme si elle ne savait pas que la religion n’est pas qu’une question de pratiques ; qu’elle est aussi une question de foi et que la foi ne se réforme pas. Quand je lui explique tout ça, cette France reste sourde.
Je lui ai montré ma carte d’identité, lui ai fait part de mon parcours, de mon amour et mes engagements, mais elle me dit qu’elle « est judéo-chrétienne et de race blanche. »Aussi éternise-t-elle en moi un sentiment de culpabilité. Je lui ai tendu une main. Quant à elle, elle me parle d’assimilation comme si elle ignorait que mon africanité et ma sénégaléité n’étaient pas négociables, et que je mourrais libre au-lieu de renoncer à la culture qui m’a été amoureusement transmise par mon père et ma mère.
Elle veut limiter l’immigration sans se soucier des causes même de l’émigration. Elle dénonce l’émigration économique et me prend pour traitre quand je dénonce son colonialisme monétaire qui empêche le développement d’une bonne partie de l’Afrique. Je lui ai dit que quatorze pays africains utilisent encore le Franc CFA que leur avait imposé le pouvoir colonialiste[1]. Je lui ai dit que ces 14 pays sont obligés par elle , à travers le pacte colonial , de mettre 50% de leur réserve à la banque centrale de France sous le contrôle du ministère des finances français[2]. Quand je lui rappelle que cela fait des millions, voire des milliards d’euros qui ne lui appartiennent pas, elle crie au blasphème.
Pour me réconforter, je vais prier pour cette France. Seigneur pardonne à la France blanche. Ou comme le disait un des poètes de la négritude, « Seigneur, Dieu, pardonne à l’Europe blanche. »
Oui, cette Europe et cette France ont besoin d’invocations… Quand cette même Europe qui a déshumanisé mes pères, et cette même France qui a humilié mes ancêtres et empêchent le développement de ma terre natale essayent de faire naître chez moi un sentiment de culpabilité à cause de ceux qui tuent au nom de ma religion, je ne peux que m’associer à Senghor pour leur adresser mes prières.
«… Seigneur Dieu, pardonne à l’Europe blanche !
Et il est vrai, Seigneur, que pendant quatre siècles de lumières elle a jeté la bave et les abois de ses molosses sur mes terres
Et les chrétiens, abjurant Ta lumière et la mansuétude de Ton cœur
Ont éclairé leurs bivouacs avec mes parchemins, torturé mes talibés, déporté mes docteurs et mes maîtres-de-science.…/…
Seigneur, pardonne à ceux qui ont fait des Askia des maquisards, de mes princes des adjudants
De mes domestiques des boys et de mes paysans des salariés, de mon peuple un peuple de prolétaires.
Car il faut bien que Tu pardonnes ceux qui ont donné la chasse à mes enfants comme à des éléphants sauvages.
Et ils les ont dressés à coups de chicotte, et ils ont fait d’eux les mains noires de ceux dont les mains étaient blanches.
Car il faut bien que Tu oublies ceux qui ont exporté dix millions de mes fils dans les maladreries de leurs navires
Qui en ont supprimé deux cents millions.
Et ils m’ont fait une vieillesse solitaire parmi la forêt de mes nuits et la savane de mes jours.
Seigneur la glace de mes yeux s’embue
Et voilà que le serpent de la haine lève la tête dans mon cœur, ce serpent que j’avais cru mort…
Tue-le Seigneur, car il me faut poursuivre mon chemin, et je veux prier singulièrement pour la France.
Seigneur, parmi les nations blanches, place la France à la droite du Père.
Oh ! je sais bien qu’elle aussi est l’Europe, qu’elle m’a ravi mes enfants comme un brigand du Nord des bœufs, pour engraisser ses terres à cannes et coton, car la sueur nègre est fumier.…/…
Oui Seigneur, pardonne à la France qui dit bien la voie droite et chemine par les sentiers obliques
Qui m’invite à sa table et me dit d’apporter mon pain, qui me donne de la main droite et de la main gauche enlève la moitié.
Oui Seigneur, pardonne à la France qui hait les occupants et m’impose l’occupation si gravement
Qui ouvre des voies triomphales aux héros et traite ses Sénégalais en mercenaires, faisant d’eux les dogues noirs de l’Empire
Qui est la République et livre les pays aux Grands-Concessionnaires
Et de ma Mésopotamie, de mon Congo, ils ont fait un grand cimetière sous le soleil blanc.
Ah ! Seigneur, éloigne de ma mémoire la France qui n’est pas la France, ce masque de petitesse et de haine sur le visage de la France
Ce masque de petitesse et de haine pour qui je n’ai que haine — mais je peux bien haïr le Mal.
Car j’ai une grande faiblesse pour la France.
Bénis ce peuple garrotté qui par deux fois sut libérer ses mains et osa proclamer l’avènement des pauvres à la royauté
Qui fit des esclaves du jour des hommes libres égaux fraternels
Bénis ce peuple qui m’a apporté Ta Bonne Nouvelle, Seigneur, et ouvert mes paupières lourdes à la lumière de la foi.…/…
Je sais que nombre de Tes missionnaires ont béni les armes de la violence et pactisé avec l’or des banquiers
Mais il faut qu’il y ait des traîtres et des imbéciles… »
Cette France blanche, tu la connais. « Hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère »
[1] Franc CFA voulait dire franc des colonies françaises d’Afrique. Entre 1958 et la décolonisation, il est devenu Franc des communautés françaises d’Afrique. Actuellement, il signifie le Franc de la communauté financière africaine.
Posté le 30 mai 2016 - par Seydi Diamil
Jean-François Copé, la France, tu la respectes ou tu la quittes !
Sur le plateau de l’émission « On n’est pas couché », samedi 28 mai, Jean-François Copé, comme à chaque fois qu’il en a eu l’occasion, s’est lancé dans un long mantra de stigmatisation des Français de confession musulmane. Mais a-t-il vraiment le choix ? Quand les sondages ne le créditent que de 3% des suffrages aux primaires des « Républicains », Monsieur « pain au chocolat » n’a d’autre stratégie que de taper sur les musulmans. Au-delà de la haine qu’il porte à ses concitoyens musulmans, le député-maire de Meaux manifeste un vrai mépris des lois et des valeurs françaises.
Monsieur veut imposer un certificat de laïcité à tous les imams et uniquement aux imams (pas aux rabbins ni aux prêtres). De ce fait, le candidat aux primaires des « Républicains » avoue vouloir violer quelque chose de fondamental, garanti par la Constitution française : l’égalité de traitement de tous. Dans ce sens, l’article 1er de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 stipule que « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune ». Libres et égaux en droits, voilà ce que dit le texte.
De la même façon, Copé trahit l’article II de la loi de 1905 qui stipule que « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». En affirmant ne reconnaître aucun culte (ce qui ne veut pas dire qu’elle les ignore), la loi de la séparation des églises et de l’État empêche les détenteurs du pouvoir public de se mêler des choses internes inhérentes aux cultes. Une chose essentielle que le candidat qu’il est devrait apprendre.
Copé et l’obsession du voile :
Il y a quelques jours, Jean-François Copé repartait dans sa croisade contre le voile (je ne porte aucun jugement de valeur sur cette tenue vestimentaire. Chacun s’habille comme il veut). Sur le plateau de Ruquier, l’ancien patron de l’UMP n’est pas revenu sur sa volonté de l’interdire dans tout l’espace public (Universités, hôpitaux, mairies, etc.). Les prises de position de Jean-François Copé posent quelques problématiques :
Copé insulte ceux qui se sont battus pour ce pays :
En effet, ce pays a connu une phase qui fut déterminante dans son orientation politique. 1789 a vu naître un texte fondamental et qui révolutionnera tout un peuple : la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. L’article II de ce texte rappelle que « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression. »
Cette liberté, pour laquelle des gens sont morts, englobe toutes les libertés, y compris religieuses : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi » ; c’est l’article X.
Copé méprise la Constitution française :
Jean-François veut interdire uniquement le port du voile et ne parle ni de la kippa, et encore moins de la croix. Quand il utilise la laïcité, c’est uniquement pour stigmatiser les Français de confession musulmane. Et pourtant, l’égalité de traitement est garantie par la Constitution française : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ». C’est l’article 1er.
Copé méprise les droits de l’homme et les libertés individuelles :
La liberté, voilà l’un des acquis les plus précieux de la démocratie et qui doit être éternellement protégé. C’est un acquis pour lequel des hommes sont morts. C’est pour garantir cette même liberté que des hommes politiques se sont battus pour une séparation des églises et de l’État. L’article 1er de la loi de 1905, appelée la loi de laïcité, va dans ce sens : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes… ». Seule la protection de l’ordre public peut amener à la restriction de certaines libertés. Ce que Jean-François Copé semble ignorer.
Mais il y a pire : Copé, comme tous ceux qui veulent gratter les voix du Front national, veut se débarrasser, une fois pour toutes, de la Convention européenne des droits de l’homme, puisque c’est le seul moyen, pour lui, de réaliser son projet islamophobe. L’article 9 de la convention affirme la chose suivante : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion (dont les musulmans) ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public (et oui, le port des signes religieux dans l’espace public, y compris le voile, est protégé par la Convention) ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites. »
En réalité, derrière sa croisade contre les Français de confession musulmane, Jean-François Copé révèle sa haine et son mépris des lois françaises, lesquelles garantissent à tous les citoyens, au moins théoriquement, la liberté de manifester ou non leurs signes d’appartenance religieuse ou convictions philosophiques. Face à ce mépris de tous ces textes (Déclarations des droits de l’homme et du citoyen, la loi de 1905, la Constitution française ainsi que la Convention européenne des droits de l’homme), une seule phrase me vient à l’esprit : Jean-François Copé, la France, tu la respectes ou tu la quittes !
Posté le 19 avril 2016 - par Seydi Diamil
A tous les racistes qui soutiennent Madame Rossignol: « N’allez pas le répéter, mais le nègre vous emmerdre »
Mon article, A tous les racistes qui soutiennent Madame Rossignol, « n’allez pas le répéter, mais le nègre vous emmerde » est à découvrir sur Oumma.com
Posté le 29 décembre 2015 - par Seydi Diamil
Déchéance de nationalité ? Cher Manuel Valls, allez jusqu’au bout de votre logique / Seydi Diamil Niane

Une chose est sûre : comme l’aurait dit un penseur moderne dont je ne citerai pas le nom, cher Premier ministre, vous êtes certes à gauche de l’extrême droite, mais très maladroit dans votre façon d’être un homme de gauche. Cette question de déchéance de nationalité fait enfin tomber les masques.
« Le débat public et libre témoigne de la force de notre démocratie », peut-on lire sur votre page Facebook. Et c’est en usant de cette force démocratique, qu’est le débat public, que je me permets de vous dire que cette idée de déchéance de nationalité est tout simplement ridicule, discriminatoire et paternaliste. Ridicule parce que si vous pensez une seule seconde qu’une personne ayant l’intention de se faire sauter pourrait être dissuadée par l’idée de perdre sa nationalité française, c’est que vous sous-estimez la folie de ces gens qui exaltent la mort et détestent la vie.
Lutter contre le terrorisme c’est avant tout lutter contre l’hypocrisie. Il n’y a pas si longtemps, le président de la République française se rendait en Arabie Saoudite pour témoigner sa fidélité au nouveau roi. L’Arabie Saoudite où l’esclavagisme est pratiqué, où la femme n’a pas le droit de conduire, où l’éthique du désaccord est tuée ; mais le plus problématique est que l’Arabie Saoudite a le même code pénal que Daech. L’Arabie Saoudite où le wahhabisme est la doctrine officielle, où les savants pensent être les seuls à avoir raison et à être guidés, comment un tel état peut-il être votre allié ? La doctrine wahhabite, et tous les spécialistes le savent, ne diffère en rien de la doctrine prônée par les terroristes. Dans une de ses lettres, Ibn ‘Abd al-Wahhab, le fondateur du Wahhabisme, ne disait-il pas que « celui qui ne répond pas à la prédication par la preuve, nous le faisons plier par l’épée ?»[1] Cet Etat est votre ami. Et cette hypocrisie force l’admiration.
Comme moi, vous connaissez très bien l’origine du mal. Mais le pétrole et l’argent ont la faculté de nous faire taire. C’est la faiblesse de l’homme !
Ce n’est pas par la déchéance de nationalité qu’on pourrait lutter efficacement contre le terrorisme. La lutte contre cette barbarie ne se gagnera pas sans deux choses importantes et qui ont souvent été oubliées par les politiciens : l’éducation et la justice sociale. L’éducation parce que l’extrémisme violent se nourrit d’une idéologie et il faut apporter une contre-idéologie. La justice sociale parce que les terroristes sont récupérateurs des frustrations.
Cher Premier ministre, cette idée de déchéance de nationalité est discriminatoire dans la mesure où, en la concrétisant, vous mettrez en place deux sortes de français : un français vraiment français, et un français pas trop français et à qui on peut dire, foutez le camp et rentrez chez vos ancêtres ! Vous l’avez-vous-même dit : « Même si elle ne concernera heureusement qu’un nombre limité de personnes, pourrait-on lire dans votre tribune signée le 28 décembre 2015, la déchéance symbolisera l’exclusion définitive du pacte national de ceux qui ont commis des crimes terroristes, dans le respect des principes du droit international auxquels nous sommes attachés, qui interdisent de créer des situations d’apatridie. » Allez jusqu’au bout de votre logique et dites-nous tout simplement qu’un français qui n’a qu’une seule nationalité et un binational ne sont plus égaux en droits. Que la Constitution repose en paix !
Une autre question m’intrigue : la déchéance de nationalité concernera-t-elle les binationaux qui s’engagent dans l’armée israélienne qui n’est pas moins terroriste que Daech, et qui fait payer aux palestiniens, avec la politique de nettoyage ethnique que mène l’État hébreu, ce que les occidentaux leur ont fait subir ? Ou bien seuls les terroristes qui se réclament de l’islam sont concernés ? Allez jusqu’au bout de votre logique et annoncez-nous la déchéance de votre propre nationalité, de celle de Habib Meyer, de Bernard-Henry Lévy, d’Alain Finkielkraut et de tous vos amis qui soutiennent le terrorisme de l’État d’Israël. Et surtout celle du président de la République, l’ami des saoudiens qui financent le terrorisme. Oups, j’avais oublié que vous n’étiez pas tous des binationaux ! Tan pis.
En plus d’être ridicule et discriminatoire, ce que vous proposez cache un paternalisme qui ne dit pas son nom. Une personne qui est née française, qui a grandi en France et qui a été éduquée en France, est une personne entièrement française, quel que soit le délit qu’il a commis. Par conséquent, au nom de quoi vous allez expulser, chez d’autres, un(e) français(e), condamné(e) par la justice française ? Et pourquoi un autre pays accepterait qu’un terroriste français soit exporté chez lui ? Et comme vous n’êtes pas sans le savoir, il y a des binationaux d’origine française qui vivent dans d’autres pays. Accepteriez-vous qu’on importe en France un binational déchu de sa deuxième nationalité pour terrorisme, sous prétexte qu’il s’agit d’une personne d’origine française ? Allez jusqu’au bout de votre logique, cher Premier ministre.
Nous, peuple de gauche, avons bien raison lorsque nous disons que vous faites monter le Front National. D’ailleurs, Florian Philippot, beaucoup plus malin que vous, l’a si bien compris qu’il en profite. « Nous allons passer à l’étape n°2, c’est-à-dire faire pression pour que cette déchéance de nationalité (…) soit appliquée concrètement beaucoup plus largement », a-t-il déclaré sur I-Télé.
Nous allons passer à l’étape n°2, dit-il. Et c’est justement cela qui nous pose problème. Aujourd’hui ce sont les binationaux condamnés pour terrorisme (et qui doivent être jugés en France au lieu de les exporter pour qu’ils commettent d’autres actes ailleurs), à qui le tour demain ? Aux binationaux qui portent la kippa ? Aux binationaux qui mettent le voile ? Aux binationaux qui parlent l’arabe ? Aux binationaux qui sont trop noirs et qui ne font pas le nécessaire pour blanchir leur peau ?
Voilà les questions qui m’intriguent. Et je vous demande d’aller au bout de votre logique pour vous rendre compte que vous défendez une idée ridicule dans le fond, discriminatoire dans la forme, et paternaliste dans les faits.
Sur ce, veuillez-croire, cher Premier ministre, en mes sentiments les meilleurs !
[1] Hamadi Redissi, Le pacte de Nadjd : Ou comment l’islam sectaire est devenu l’islam, Paris Seuil, 2007, p.94.
Posté le 10 décembre 2015 - par Seydi Diamil
Lettre ouverte d’un franco-sénégalais à Marine et Marion Maréchal « Les peines »/ Seydi Diamil Niane

Mesdames Lepen, si je prends le temps de vous écrire, croyez-moi, ce n’est pas parce que je vous admire. Loin de là. Je regrette même le temps que je consacre à la rédaction de cette lettre qui vous est adressée par un jeune franco-sénégalais, qui assume son africanité, aime la République et respecte toutes celles et tous ceux qui respectent ses valeurs fondamentales : Liberté, Égalité et Fraternité (de la même façon que j’exalte la devise du Sénégal : Un Peuple, Un But, Une Foi). Cela dit, je ne vous dois aucun respect dans la mesure où les trois valeurs de la République n’ont aucun sens pour vous.
Mesdames, je vous écris, pas seulement en tant que musulman, mais en tant que citoyen lambda. Et si je le fais c’est parce que j’exalte la liberté et je glorifie l’homme quelles que soient sa religion, sa langue ou sa couleur de peau. Par conséquent, je me dois, en tant que citoyen lambda, mais surtout en tant qu’être humain conscient de son humanité, de me battre pour les libertés individuelles et collectives, qui sont, je le rappelle, protégées par la loi.
Vous qui, semble-t-il, tenez beaucoup à la France et vous souciez de son l’histoire et de sa culture, je vous rappelle que ce pays a connu une phase qui fut déterminante pour son orientation politique. L’an 1789 a vu naître un texte fondamental et qui révolutionnera tout un peuple : je parle de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. L’article 1er de la Déclaration stipule que « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. » Libres et égaux en droits, voilà le ce que dit le texte.
Marion, vous qui tenez à cette tradition, au nom de quoi vous dites que les musulmans peuvent être considérés français sous je ne sais quelle condition ? Rassurez-moi que vous n’ignorez pas cette tradition qui veut que « tous les hommes demeurent libres et égaux » ? Rassurez-moi que vous n’ignorez pas l’article II non plus selon lequel « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression. »
Cette liberté, pour laquelle des gens sont morts, englobe toutes les libertés, y compris les libertés religieuses. Je reste encore dans la Déclaration des Droits de l’Hommes et du Citoyen : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi » ; c’est l’article X.
Mesdames « Les peines », nous vivons dans un pays où seule la loi a son mot à dire. Nous vivons dans un pays dont les valeurs sont protégées par la constitution, laquelle constitution affirme dans l’article I que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. » Peu importe vos niveaux de culture générale, rassurez-moi juste que vous connaissez au moins cet article.
Mesdames « Les peines », nous vivons dans un pays où la souveraineté revient au peuple, et seulement au peuple. Le principe fondamental de ce pays est le « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple », tel qu’on peut le lire dans la constitution française que vous connaissez, je l’espère.
Ce peuple, que vous le vouliez ou non, que vous l’acceptiez ou non, comprend des arabes, des noirs, de métisses, des blancs, des musulmans, des juifs, de chrétiens, des athées, des agnostiques, etc., et ils sont tous égaux devant la loi de la République, qui est la seule à régir la vie de la cité.
Vous me direz certainement que cette vision d’une France multiculturelle et multiethnique est une construction purement moderne et qu’elle fait table rase de toute une histoire. Et moi je vous répondrai, en m’associant à Renan qu’il « n’y a pas en France dix familles qui puissent fournir la preuve d’une origine franque, et encore une telle preuve serait-elle essentiellement défectueuse, par suite de mille croisements inconnus qui peuvent déranger tous les systèmes des généalogies. »
Vous me direz, certainement, comme l’autre, que la France est de race blanche. Et moi je vous répondrai, comme Renan, qu’il « n y’a pas de race pure et que faire reposer la politique sur l’analyse ethnographique, c’est la faire porter sur une chimère. Les plus nobles pays, toujours selon Renan, l’Angleterre, la France, l’Italie (un avis que je ne partage évidement pas), sont ceux où le sang est le plus mêlé. » D’ailleurs, vous savez quoi ? Moi qui suis aussi Sénégalais, ça m’amuse toujours de taquiner mes amis Alsaciens, que je rencontre à l’Université de Strasbourg, à qui je dis souvent que lorsque les quatre communes du Sénégal faisaient partie de la France, la région alsacienne était allemande. Et je vous assure, ça ne les vexe pas, même s’ils savent très bien que ces gens, qui étaient français avant eux, étaient des nègres comme moi. Que vous le vouliiez ou non.
Moi je vis pour progresser. J’ai horreur des discours moyenâgeux. Et, comme Renan, moi aussi je pense qu’autant « le principe des nations est juste et légitime, autant celui du droit primordial des races est étroit et plein de danger pour le véritable progrès.»
Vous allez certainement me dire que la France est judéo-chrétienne et que l’islam est une religion importée. Mais ayant consulté l’acte de naissance de Jésus ainsi que la carte d’identité de Moïse, je me suis rendu compte qu’aucun des deux n’est naît à Paris. Par conséquent, toutes les deux religions sont, comme l’islam, de simples importations. Je dis ça et je ne dis rien !
Qu’est-ce que la France alors ? La France est une république laïque. Qu’est-ce la Laïcité ? « Dans le rapport qu’il a consacré en 2004 à la laïcité, le Conseil d’État souligne que celle-ci ‘‘doit à tout le moins se décliner en trois principes : ceux de neutralité de l’État, de liberté religieuse (et pas seulement liberté de conviction comme le veulent faire croire souvent les laïcistes) et de respect du pluralisme. » (Jean-Marie Woehrling, « Laïcité, Neutralité », in, Francis Messner (éd.), Dictionnaire de Droit des Religions, CNRS, 2010, p.436)
Qu’est-ce que la France ? La France est une nation. Et qu’est-ce qu’une nation ? Je fais encore appel à Renan : « L’homme n’est esclave ni de sa race, ni de sa langue, ni de sa religion, ni du cours des fleuves, ni de la direction des chaînes de montagnes. Une grande agrégation d’hommes, saine d’esprit et chaude de cœur, crée une conscience morale qui s’appelle une nation. »
Mesdames « Les peines », je ne vous parlerai pas des valeurs humaines que défendent les institutions européennes, et qui se résument dans la Convention européenne des droits de l’Homme, parce que vous vous moquez royalement de l’Europe. Vous divinisez la fermeture, et moi j’exalte l’ouverture. Vous pensez seulement à vous, et moi je pense à l’humain. Cela dit, j’ai beaucoup médité sur vos discours de haine, mais j’ai du mal à suivre votre logique. Vous ne voulez pas d’immigré en France, après tout pourquoi pas ?. Mais allez au moins jusqu’au bout de votre logique. Tout citoyen français, et ça vous le savez très bien Mesdames, peut aller au Sénégal, au Maroc, et à beaucoup d’autres pays, quand il veut et sans avoir besoin d’un visas ni d’une quelconque autorisation de la part des autorités de son pays de destination. Arrêtez de crier « ils viennent, ils viennent » tout en essayant d’oublier les citoyens français qui partent chez les autres sans même leur demander leur avis parce qu’ils ont le bon passeport. Vous êtes l’incarnation de la défaite de la pensée !
Vous pensez que les immigrés (et le musulman pour faire court) sont les causes de tous les maux de la société. Mais savez-vous que c’est la station Total qui vend du carburant à des milliers de chauffeurs sénégalais. ? Mais peut-être vous ne voyez pas ces autres français qui partent et qui exploitent les autres populations. Vous ne voyez que ceux qui viennent. Charmant l’humanisme !
Marine, vous dites que « Le rôle de la région n’est pas de payer des moustiquaires aux détenus au Sénégal » ? Vous avez certainement raison. Je pense que les Sénégalais pourront se passer de vous. Mais savez-vous que 14 pays africains utilisent encore le Franc CFA que leur avait imposé le pouvoir colonialiste ? (Au passage, Franc CFA voulait dire franc des colonies françaises d’Afrique avant de devenir franc de la communauté française d’Afrique en 1958 et, plus tard, franc de la communauté financière d’Afrique). Si Madame, vous le savez très bien. Vous savez aussi que ces 14 pays sont obligés par la France, à travers le pacte colonial , de mettre 50% de leurs réserves à la banque centrale de France sous le contrôle du ministère des finances français. (pour plus de précisions : http://www.mondialisation.ca/le-saviez-vous-14-pays-africains-contraints-par-la-france-a-payer-limpot-colonial-pour-les-avantages-de-lesclavage-et-de-la-colonisation/5369840; ou encore https://fr.wikipedia.org/wiki/Franc_CFA. ) Cela fait des millions d’euros Madame qui n’appartiennent ni à la France ni à la région que vous allez surement diriger. Par conséquent, je vous pose les questions suivantes : pourquoi n’avez-vous jamais dénoncé celà? Êtes-vous prête à rembourser à ces 14 pays tout leur argent qui ne cesse de s’accumuler, depuis 1960, et qui se trouve sous contrôle du ministère des finances ? La France importe au moins 29.9 de ses besoins en pétrole du continent africain (pour plus de précisions : http://www.connaissancedesenergies.org/d-ou-vient-le-petrole-brut-importe-en-france-120209). Seriez-vous prête à rompre toutes ces relations pour voir la France sombrer toute seule dans un effondrement économique sans précédent ? J’attends vos réponses ! Mais en attendant que la France arrête d’exploiter et d’appauvrir l’Afrique, les Africains ont bien le droit de venir tenter leur chance ici.
Mesdames « Les peines », quand je vous entends parler, et j’entends ce que vous dites sur les autres qui ne vous ressemblent pas, je pense à ces propos d’Aimé Césaire : « Quand je tourne le bouton de ma radio, que j’entends qu’en Amérique des nègres sont lynchés, je dis qu’on nous a menti : Hitler n’est pas mort ; quand je tourne le bouton de ma radio, que j’apprends que des juifs sont insultés, méprisés, pogromisés, je dis qu’on nous a menti : Hitler n’est pas mort ; quand je tourne enfin le bouton de ma radio et que j’apprenne qu’en Afrique le travail forcé est institué, légalisé, je dis que véritablement, on nous a menti : Hitler n’est pas mort. » Si j’ai tenu à citer ces propos de Césaire, c’est parce que, moi aussi, quand je vous écoute, je me dis qu’on nous a franchement menti : Hitler n’est pas mort.
Mesdames « Les peines », si je prends le temps d’écrire cette lettre ouverte, ce n’est pas parce que je vous admire ou que j’ai envie de faire une critique de vos discours, ce qui m’obligerait à me rabaisser à votre niveau ; et, croyez-moi, je n’en ai pas le temps. D’ailleurs, au moment où j’écris ces mots, je suis en train d’écouter la chanson de Diam’s : « Marine, tu sais ce soir ça va mal j’ai trop de choses sur le cœur donc il faudrait que l’on parle, Marine, si je m’adresse à toi ce soir C’est que t’y es pour quelque chose : t’as tout fait pour qu’ça foire (…) Marine, Pourquoi es-tu si pâle ? Viens faire un tour chez nous c’est coloré, c’est jovial. Marine, J’aimerais tellement que tu m’entendes, Je veux bien être un exemple quand il s’agit de vous descendre.
Marine, Tu t’appelles Le Pen, N’oublie jamais que tu es le problème, D’une jeunesse qui saigne.» Et on connait tous le refrain de cette chanson!
Si j’ai décidé de faire parler ma plume, c’est juste parce que je pense à ces braves gens à qui vous avez menti ; à ces braves gens qui, comme moi d’ailleurs, ne se reconnaissent plus dans la politique des « Républicain » et du « Parti Socialiste ». Je lance un appel fraternel à ces gens et leur dis : ne croyez pas aux arnaques du Front National, à leurs discours anticonstitutionnels (comme la préférence nationale). Mes chers frères et sœurs en humanité, et qui croyez que vous serez sauvés par le Front National, sachez que ce parti a déjà mis le doigt sur la gâchette. Et la balle qui va partir, je peux le jurer, ne porte que le message de la mort. La mort de la France et des Français.
J’ai un seul et unique but dans ma vie, et je le partage avec Frantz Fanon : « Que jamais l’instrument ne domine l’homme. Que cesse à jamais l’asservissement de l’homme par l’homme. C’est-à-dire de moi par un autre. Qu’il me soit permis de découvrir et de vouloir l’homme où qu’il se trouve. » Cela devait être le message et le but de tous les êtres humains. Mais je vois que le Front National s’y oppose. Puis-je compter sur vous, chers frères et sœurs en humanité et qui croyez en ce parti anti-humain ?
Posté le 19 octobre 2015 - par Seydi Diamil
Lettre ouverte d’un franco-sénégalais à Nadine Morano/ Seydi Diamil Niane
« La France est judéo-chrétienne et de race blanche », ai-je bien entendu ? Mme Morano, cette phrase est indigne d’une personne qui se dit vouloir représenter le peuple français. L’histoire de la France elle-même dément vos propos. J’y reviendrai.

